Un an et demi après le délirant L’Agence tous Risques, adaptation réussie de la série culte, Joe Carnahan retrouve Liam Neeson pour un film totalement différent. Un budget modeste (25 millions de dollars) et un casting réduit pour un film présenté comme un pur survival, dans lequel une bande d’employés d’une compagnie pétrolière doivent faire face à une meute de loups féroces.
Et le film démarre en effet de façon assez classique, introduisant rapidement son personnage principal, avant de le jeter dans cette dangereuse aventure aux côtés de ses compagnons d’infortune. Le crash de l’avion survient au bout d’à peine une dizaine de minutes, et Carnahan pose très rapidement une ambiance oppressante, traitant ses loups comme de véritables chiens de l’enfer, au travers de quelques images puissantes : une trace de patte dans la neige s’imprégnant de sang, d’innombrables yeux brillant dans la nuit autour du campement des survivants, des hurlements sinistres… A des moments, le film rappelle même le chef d’œuvre de John Carpenter, The Thing : un groupe uniquement masculin isolé dans un environnement hostile sans possibilité de contacter des secours, une menace quasi invisible, un leader qui émerge mais est rapidement décrié, etc. Le Territoire des Loups arrive même à proposer quelques bonnes scènes de frousse, comme lorsqu’un des personnages est attaqué par surprise lors d’une engueulade avec le reste du groupe.
Mais plutôt que de se limiter à ce postulat classique de film d’horreur, Carnahan préfère tenter le mélange des genres, en bifurquant à mi-parcours vers le film d’aventures. Les loups ne sont ainsi pas le seul danger que le groupe doit affronter, et l’environnement naturel en emportera aussi plus d’un. Les personnages sont classiques et collent aux clichés du genre, du chasseur solitaire prenant rapidement la tête du groupe, à la tête à claque contestant toutes ses décisions. Tout le génie de Carnahan va consister à donner de l’épaisseur à ces personnages et à retourner ces clichés pour toucher à leur humanité. Une démarche qui ne surprendra pas les connaisseurs de l’œuvre du réalisateur, puisqu’il employait déjà une technique similaire dans l’excellent Mi$e à Prix. Ici le procédé est poussé à son maximum, seul le personnage de Liam Neeson étant sommairement introduit en début de film. Mais Carnahan réussit parfaitement à donner une épaisseur aux autres personnages au fil du film, à mesure que John Ottoway (et le spectateur) s’attache à eux. Même le personnage cliché de la grande gueule contestant le leadership du héros se révélera bien plus complexe qu’il n’y parait. Le film devient donc petit à petit une aventure humaine poignante, portée par un Liam Neeson habité.
Cette orientation atteindra son summum dans un final d’une rare intensité émotionnelle et d’une puissance cinématographique incroyable. On attendait un affrontement rageur et sanglant, Carnahan préfère à la place nous asséner un uppercut au cœur, dans ce qui est certainement l’une des plus belles fins de film vues sur un écran depuis des années.
Note : 8/10
USA, 2012
Réalisation : Joe Carnahan
Scénario : Joe Carnahan, Ian Mackenzie Jeffers
Avec: Liam Neeson, Dallas Roberts, Frank Grillo, Dermot Mulroney, Nonso Anozie, Joe Anderson, Ben Bray, James Badge Dale, Anne Openshaw