Quand est-ce que les hommes et femmes politiques vont cesser de raconter n’importe quoi au sujet de l’Allemagne ?
Un billet d’humeur du Parisien Libéral.
Pour celles et ceux qui ont regardé jeudi l’émission télévisée « Des paroles et des actes » avec Martine Fillon et François Aubry, si vous n’avez rien compris, c’est normal. Vous pouvez retrouver le fil de discussion sur twitter ou sur francetv.fr. Vous avez à gauche une technocrate, énarque parachutée, qui parlait d’un pays imaginaire, l’Allemagne, et à droite, un juriste en droit public bientôt parachuté, qui parlait du même pays imaginaire, l’Allemagne, pour comparer avec un pays bien réel, la France.
Quand est-ce que les hommes et femmes politiques vont cesser de raconter n’importe quoi au sujet de cette Allemagne ? Notez le paradoxe. Les élites françaises ont toutes, pour des raisons scolaires, étudié l’allemand pendant de longues années. Pourtant, elles sont incapables ne serait-ce que de consulter la presse allemande.
Des exemples ? Le mythe (socialiste) de la finance allemande qui serait au service, plus que chez nous, de l’économie allemande (comprendre : les usines allemandes, car, comme chacun le sait, les services, ça n’est pas de l’économie, n’est ce pas, Mark Zuckerberg). Martine Fillon et François Aubry ignorent que le siège opérationnel de la Deutsche Bank est au 50 de la Leadenhall Street, Monument, London, EC3V 4RJ, United Kingdom, et certainement pas Taunusanlage 12 Frankfurt am Main, et que ce choix est assumé par son PDG, un Suisse. Imaginez les hurlements si un Belge ou un Luxembourgeois présidait BNP Paribas et choisissait Londres comme base opérationnelle. D’ailleurs, des Belges ont tenté de présider des banques françaises. On les a vite dégagé. En réalité, les entreprises allemandes se financent d’abord par fonds propres et non pas par de la dette, d’une part, et d’autre part, les banques d’investissement allemandes sont comme les autres banques : elles ont des traders, souvent prudents, parfois fous, des bénéfices ou des pertes, et des catastrophes quand elles sont publiques (voir le sujet des Landesbanken).
Deuxième exemple : la politique économique allemande serait efficace pour créer des PME exportatrices. Un Allemand sourirait s’il lisait ça. Il n’y a pas de PME allemandes. Il y a des PME bavaroises (beaucoup), rhénanes, hambourgeoises ou berlinoises (un peu moins). Est-ce une simple coquetterie de langage ? Non. Est ce que nos hommes politiques français, ultra jacobins et ultra étatistes, laisseraient les régions rédiger chacun dans leur coin les programmes scolaires, les manuels d’économie au lycée par exemple ? En France, ça serait une hérésie. C’est la réalité quotidienne en Allemagne. Chaque Land gère ses programmes et son économie. Il n’y a pas d’État fédéral chargé de niveler de manière centralisée comme on le ferait chez nous. Et pour les PME ou les plus grandes entreprises, qu’on ne s’y trompe pas. Audi, BMW, Porsche et Mercedes sont situées dans un rayon de 200km, et pas à Berlin ou à Frankfurt. Est-ce qu’on serait prêt, en France, à accepter que Lille ou Lyon vivent leur destin sans avoir de comptes à rendre à Bercy ?Des exemples de la sorte, il y en a des tas. On n’imagine pas, en Allemagne, que le fils du président de la République soit rapatrié d’Ukraine en jet privé officiel aux frais du contribuables. On n’imagine pas que les services de l’État se mobilisent pour sauver une centaine d’ouvrières spécialistes du soutien gorge. On n’imagine pas que la vitesse sur autoroute soit de 130 max quels que soient la section et le moment. On n’imagine pas que des ministres soi-disant libéraux (Chatel, Longuet) soutiennent du socialisme de droite, à la différence du FDP qui a su imposer des baisses d’impôts sur le revenu.Puisque nous n’imaginons pas tout cela, cessons d’invoquer ce pays imaginaire qu’est l’Allemagne. Inspirons-nous plutôt de la République Fédérale Allemande.
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