Mais oui, comme dirait Jeandler "d'emblée", et même "l'esprit un peu gelé", il s'agissait bien de "L'homme sans qualités" de Robert Musil, écrivain autrichien (1880-1942). Quelle incroyable acuité intuitive!
Le roman a suscité peu de réactions lors de sa publication en 1930. Il a été redécouvert dans les années 50 grâce à une version remaniée en trois tomes. D'après l'écrivain Thomas Mann, cette œuvre inachevée est un roman essentiel du XX° siècle comme le sont La recherche du temps perdu de Marcel Proust et Ulysse de James Joyce.
Sa conception littéraire est fondée sur le pouvoir d'une observation quasi-scientifique et sur l'analyse des faits humains et des sensations, à la recherche de ce qu'il nomme « la structure essentielle des choses ». "L'homme sans qualités" décrit la société viennoise dans une Europe désorientée par la crise qu'elle traverse, quelques mois avant le déclenchement de la première guerre mondiale.
"Rien moins qu'un livre-monument, conçu à la manière d'une cathédrale. D'abord publié entre 1931 et 1933, du vivant de Robert Musil, L'Homme sans qualités est resté inachevé. L'écrivain autrichien meurt en 1942, laissant derrière lui un vaste chantier de plusieurs milliers de pages (exploitées ensuite avec plus ou moins de bonheur par les éditeurs). À l'origine, le texte devait se composer de deux volumes, étendus sur quarante ans, principe repris dans cette collection (voir tome 2). Cet "homme sans qualités", c'est un homme sans caractère propre – loin du roman traditionnel – l'édification de tous les possibles, des hypothèses, à travers plusieurs personnages, qui ont valeur universelle. Ironie, satire, anti-intellectualisme, comédie, tout se fond et se confond entre narration et réflexion philosophique, pour former, selon Philippe Jaccottet, son traducteur, "un essai de roman". Avec Les Désarrois de l'élève Törless et Les Exaltés, c'est bien l'œuvre qui a imposé Musil au monde littéraire, après sa mort…" --Céline Darner