J'avais envie de vous parler de générosité, de solidarité en ces temps moroses de crise.
Ils sont anonymes et pourtant admirables. Ils ont fait ce que leurs coeurs leur dictaient tout naturellement. Les 180 salariés de l'usine Badoît de la Loire, à St Galmier, ont offert anonymement leurs RTT à leur collègue, Christophe Germain avec la compréhension de la direction.
Ces 170 jours de congés ont permis à cet homme, de rester sans perte de salaire, aux côtés de son petit garçon, Mathys, atteint d'un cancer du foie.
Son diagnostic est tombé le 29 février 2008, Mathys a 9 ans. Il a pu bénéficier d'une chimio, d'une transplantation hépatique mais hélas, il rechute et décède le 31 décembre 2009. Ce combat aura duré un peu moins de deux ans et pour ses parents, impensable de ne pas être auprès de lui pour l'accompagner.
Sa mère, Lydie, a demandé à bénéficier d'un accompagnement d'enfant malade. Elle peut ainsi s'absenter 100 jours sur 3 ans mais elle ne touche plus que 30€ à chaque journée passée auprès de son fils. Au bout d'un mois, son revenu est divisé par 4. Les soucis financiers s'ajoutent au reste.
Le médecin conseil de la CPAM refuse de prolonger l'arrêt maladie de Christophe qu'il avait pris pour accompagner son fils à Paris pour une transplantation de foie. Il l'oblige à reprendre son travail en juin 2009 : "C'est votre fils qui est malade, vous, vous allez bien, vous reprenez le boulot". Il reprend son poste, ça fait 23 ans qu'il travaille dans cette entreprise. Il ne veut pas tricher et se faire arrêter pour dépression. Ses collègues veulent l'aider, Christophe leur répond que ce qu'il lui faut, c'est du temps. C'est ce qui déclenche leur mobilisation. En accord avec la direction, ils mettent en place une cagnotte que chacun peut alimenter en RTT, congé payé ou heure supplémentaire. Le code du travail ne prévoyait pas un tel transfert de congés et pourtant l'entreprise accepte que ses salariés travaillent à la place de leur collègue. Elle laisse Christophe organiser son temps de travail.
Cette solidarité a aidé cette famille à traverser cette terrible épreuve en permettant une hospitalisation à domicile pour les derniers mois de vie de Mathys, il ne voulait plus retourner à l'hôpital. Christophe a pu être avec son fils tous ses derniers instants.
Ces super collègues aux grands coeurs ont reçu le Trophée de la réussite 2011 dans la catégorie "Vivre ensemble" organisé par La Tribune-Le Progrès, en récompense à ce geste extraordinaire de solidarité et de générosité.
Pour éviter cette double peine infligée aux proches d'une personne atteinte d'un cancer, Christophe et sa femme Lydie, ont créé une association "D'un papillon à une étoile" qui a déjà pu aider une vingtaine de familles. Ils sont aussi montés au créneau pour que la loi prévoit un tel congé.
http://www.dunpapillonauneetoile.fr/
Le député Paul Salen, touché par cette histoire, a établi une proposition de loi.
Elle pose comme condition, pour la protection des salariés, l'anonymat, le volontariat et l'accord de l'entreprise. Le texte adopté le 18 janvier 2012 par la commission des Affaires Sociales, inclut tous les jours de repos, RTT, jours de récupération, vacances. Un certificat médical attestant de la gravité de la maladie et de la nécessité d'une présence auprès d'un enfant gravement malade est exigé pour que fonctionne le dispositif qui devrait s'appliquer aussi à la Fonction Publique.
Le texte fixe un minimum incompressible de 24 jours ouvrables de congé annuel qui ne peuvent être cédés, "un salarié peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, renoncer anonymement à tout ou partie de ses jours de repos non pris (...) au bénéfice d'un autre salarié de l'entreprise qui assume la charge d'un enfant âgé de moins de 20 ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensable une présence soutenue et des soins contraignants" précise la proposition de loi.
Elle n'est pas prévue pour accompagner un adulte. L'âge de la personne pouvant être aidée a été limitée par les recommandations des médecins, notamment le professeur Jean-Louis Stephan du CHU de Saint-Etienne. "Seuls les enfants ont besoin d'un accompagnement affectif toute la journée. Pour un adulte, trois ou quatre heures de présence affective, cela suffit" détaille le député.
Pourtant un tel geste de solidarité du même type a pu être observé, en avril 2011, en faveur d'une salariée dont le mari souffrait d'un lymphome.
Cette proposition de loi a été votée le 25 janvier 2012 en première lecture à l'Assemblée Nationale. Elle devra être votée au Sénat en mars et pourrait être définitivement applicable dès la mi-mars sous l'appelation "Loi Mathys". 1500 familles seraient en attente d'une telle mesure.