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Pour une commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Suez-Gdf-Frère

Publié le 07 mars 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

UNE ITW D'Olivier Barrault,administrateur de Gdf 

69195831f7bffa8aa4ea2994f2e86ca9.jpgSur la voie de la fusion annoncée entre Gdf et Suez (officiellement) ou de Suez et GdF (effectivement), l’affaire Albert Frère-Sarkozy soulevée par Jean-Marie Kuhn et révélée par Relatio peut-elle constituer un obstacle majeur ? Oui, semble dire M. Olivier Barrault, administrateur salarié de Gaz de France an nom de la Fédération CGT dans cet entretient accordé en exclusivité à RELATIO.

"LE DOSSIER DE M. KUHN EST CREDIBLE, SERIEUX, TROUBLANT"

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Limité dans ses droits d’expression par ses devoirs de réserve dont la direction de Gdf a une interprétation très… personnelle, M. Barrault estime que le minimum qui s’impose devrait être d’initiative parlementaire : « une commission d’enquête parlementaire me paraît indispensable ». L’administrateur qui a pris soin d’étudier les documents de Jean-Marie Kuhn juge ce dossier «  crédible, sérieux, et très troublant »… Collusion en entre intérêts publics et politiques, rôle de la Caisse des dépôts, méthodes du groupe Albert Frère… Trop de secrets, trpo de « faces cachées », trop de secrets : « Où est la transparence ? »

LE LOURD SILENCE DE L'ELYSEE

Comme Relatio, M.

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Barrault s’étonne également du lourd silence des politiques, de l’absence de réponses aux questions posées par M. Kuhn à l’Elysée et du peu d’impact médiatique (en dehors de Relatio, d’Agoravox et d’autres sites )de cette « affaire » qui née d’un litige privé facile à régler se transforme en affaire d’Etat puisque les 1,25 milliards d’euro dont fait état M. Kuhn sont des fonds PUBLICS.

Olivier  BARRAULT:Pour une Commission d’une enquête parlementaire sur les dessous et les secrets de la fusion Suez-Gdf


-   La justice a donné raison au Comité d’entreprise : Les administrateurs et les salariés de Gdf n’ont pas encore reçu les informations qu’ils réclament sur le projet de fusion Suez-Gdf, ce qui reporte encore ce mariage annoncé.

-   Notre direction, le gouvernement, la plupart des médias pensent que tout est joué, que le mariage annoncé voilà deux ans déjà allait se dérouler comment prévu… Que les syndicats allaient se fatiguer dans leur position d’obstruction. Mais nous ne faisons pas de l’obstruction. Nous exigeons l’application des lois, c’est d’ailleurs ce qu’ont reconnu les sept décisions de justice. Administrateur de Gdf, j’ai la mission et la responsabilité de veiller aux intérêts à court et à long terme des salariés, des consommateurs et au respect de ce qui est la raison même de l’existence de Gaz de France : le service du public, la qualité et la sécurité de ce service public dans le secteur clef de l’énergie qui redevient un secteur stratégique. Nous ne sommes pas dans la défense d’intérêts corporatistes, d’avantages acquis, d’intérêts financiers particuliers. Nous sommes en résistance pour faire respecter l’un des objectifs du Conseil National de la Résistance, à savoir, que l’énergie devait être gérée dans l’intérêt du pays et de sa population. Nous ne savons rien sur un projet qui conduit à une privatisation de Gaz de France, à une absorption de Gdf par Suez, à des menaces pour l’emploi et les conditions de travail, à une liquidation du service public, à la fin des tarifs réglementés malgré les assurances données, donc aux intérêts des consommateurs. Comment peut-on à la fois proclamer que le secteur de l’énergie est un secteur stratégique et en confier la responsabilité à des intérêts privés dont la seule logique est celle de maximiser le versement de dividendes aux actionnaires ?

-   C’est votre position de principe, j’allais dire idéologique, contre les privatisations

-   Ce n’est pas qu’affaire de principe, c’est du réalisme… Pourquoi ne se réfère-t-on plus aux raisons même de l’existence de GdF et d’EDF ? C’est de l’Histoire. Si la nationalisation de l’électricité et du gaz a été inclus dans le programme du Conseil National de la Résistance dès 1943, ce n’est pas par dogmatisme mais du fait de l’incapacité des entreprises privées et principalement, de la Lyonnaise des Eaux (aujourd’hui Suez) de répondre aux besoins de la nation, d’une part, et de leur collaboration, d’autre part. Rappelons que le Président de la Lyonnaise de l’époque, Monsieur Mercier, avait préféré investir dans la production au charbon plutôt que de l’hydraulique, compte tenu des intérêts que celui-ci avait dans cette énergie fossile. Il faut en revenir aux acquis du Conseil national de la Résistance. Au gouvernement du général de Gaulle. Qui a été en partie responsables des guerres européennes ? Les groupes industriels du secteur des matières premières et de l’énergie … Comment à la fois garantir la paix et la sécurité de la France ? En contrôlant les secteurs stratégiques de première importance pour les Français et pour la France. Dont le gaz ! Un secteur-clef où se joue la sécurité nationale et européenne.

-   Mais les choses ont évolué depuis 1945… Les impératifs de la compétitivité, les concurrences exacerbées, les effets de la « mondialisation ». Un grand groupe, c’est aujourd’hui un groupe qui pèse mondialement. Suez-Gdf constituera un géant capable d’assurer la sécurité énergétique de la France à un moment où, Gazprom le montre bien, le gaz, comme le pétrole, l’électricité et l’eau sont de vraies armes.

-   La sécurité d’approvisionnement, c’est d’abord les contrats à longs termes avec les pays producteurs. Ce sont des accords politiques entre les gouvernements.

Par ailleurs, la crise d’approvisionnements de mars 2005 a montré comment ont été utilisées les réserves des stockages de Gaz de France pour accroître les marges en vendant du gaz aux Etats-Unis, au détriment de la sécurité d’approvisionnement de la France. A cette occasion, l’effondrement du réseau Ouest a été évité de justesse. Le fait que, comme M. Mestrallet l’a rappelé lors de son audition par la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, Suez soit le premier importateur de GNL aux Etats-Unis et y possède des terminaux méthaniers, n’est pas fait pour nous rassurer. La logique purement financière des actionnaires ne peut qu’amener à reproduire le scénario de mars 2005 et à mettre ainsi en péril, la sécurité d’approvisionnement du territoire national.

-   Si fusion, il doit y avoir, c’est entre Gdf et EDF. Nous avons des coopérations qui fonctionnent bien. Et pour le consommateur, c’est tout de même plus pratique et rassurant d’avoir à faire à un seul interlocuteur, pour les facturations, les installations, la sécurité, les services en tous genres…Or à quoi assiste-t-on ? À une privatisation de fait. Et en plus, il ne s’agit pas d’un mariage, mais d’une absorption. Suez va manger Gdf. Et le consommateur va payer au prix fort non ses approvisionnements, le développement et l’entretien des infrastructures, la sécurité des hommes et des matériels, mais les dividendes.

-   C’est déjà le cas, en partie, si l’on en juge par vos prises de positions sur les dernières hausses de prix… Des prises de positions qui vous fait recevoir de vraies lettres d’avertissement…ou du moins d’intimidation

-   La direction nous accuse, en effet, d’agir contre les intérêts de l’entreprise…et nous intime l’ordre de respecter un devoir de discrétion, notamment vis-à-vis de l’extérieur. Comme si nous avions enfreint les lois et les règlements en soulignant ce qui s’impose d’évidence à travers la propre communication et les bilans de la direction. Comme si nous devions taire des constats communiqués depuis longtemps à la direction et les raisons de notre refus de voter le budget 2008. Les dernières hausses de tarifs, ont été dictées non par des besoins d’investissements en faveur de la sécurité et du confort des consommateurs, des clients de GdF, mais en fonction des dividendes, des intérêts des actionnaires actuels et futurs. La croissance des bénéfices de Gaz de France est liée, essentiellement, à la hausse de la marge sur les usagers ! Comme l’a souligné le communiqué de la FNME CGT du 27 février. Il est d’ailleurs amusant que le gouvernement vilipende l’excès de marge entre la grande distribution et les industriels alors que celui-ci l’autorise pour GDF. L’intérêt des Français est au cœur de ce problème à un moment où, enfin, l’on doit admettre que le coût de la vie a plus augmenté que l’on voulait le dire et que le pouvoir d’achat est dans une phase plus que critique,  il y a eu « une sorte de « hold-up » sur le pouvoir d’achat des familles, en lien avec l’ouverture du capital et le projet de privatisation de Gaz de France et de fusion avec Suez. Les consommateurs ont eu à subir, depuis 2004, des augmentations de tarifs cumulées de 36% et les dividendes ont été multipliés par 4 sur la même période, passant de 300 millions d’euros (35% du résultat distribué) en 2003, à 1,2 milliard (50 % du résultat distribué) en 2007.

-   Ce type d’injonction de la direction doit créer un climat tendu au sein de l’entreprise…

-   Le climat n’est pas bon. Parce que personne ne sait où GdF va et parce que le climat extérieur est à une sorte de fatalisme. Politiques et médias se comportent comme si la fusion décidée était inéluctable… Même si chacun sait qu’un mariage de ce type est voué à l’échec s’il se fait contre les personnels. Nous avons fait un referendum : 85 % des salariés sont contre l’union Suez-GDF. Aujourd’hui, on arriverait à plus de 90 % d’opposants. Seuls, quelques-uns par lassitude souvent ou par carriérisme bien hypothétique se rallient aux arguments en faveur de la fusion.

-   Pourtant, tous les syndicats n’ont pas une opposition aussi marquée que la vôtre et à Suez, le comité central d’entreprise n’a pas joué le même jeu d’obstruction que vous ; les représentants des salariés se sont dit contre mais ils ont reconnu que les procédures d’informations légales avaient été respectées. Ils ont donc donné leur feu vert au « mariage »

-   Il faut bien comprendre que le CCE de Suez représente uniquement la holding, soit quelques 300 salariés principalement des cadres dirigeants, et à contrario, que l’organisme pour EDF/Gaz de France représente les 152 000 personnes concernées. Qui plus est, nous le disions tout à l’heure, c’est GdF qui est menacé d’être englouti, non Suez, même si les incertitudes sur sa filière environnement sont plus grandes que l’on peut en avoir conscience.

-   Par l’action syndicale sur le droit à l’information, vous pouvez retarder des échéances mais non les lever. Est-ce que les révélations de Jean-Marie Kuhn peuvent modifier les choses à votre avis ?

-   Je n’ai pas d’opinions à avoir. Je m’en tiens aux faits. Nous trouvons dans le dossier de M. Kuhn l’illustration de ce qu’avait écrit Le Monde en septembre 2007, à savoir, que c’est bien Albert Frères qui a mis le poing sur la table du bureau de Sarkozy pour exiger la fusion, fin août 2007. Les articles de Relatio ont beaucoup circulé à GdF. Il y a de quoi se poser des questions en effet. Et à en poser. Mais le dossier de M. Kuhn, me semble sérieux, consistant, crédible. Il soulève de nombreuses questions notamment sur le rôle que k’on fait jouer à la Caisse des dépôts et Consignations : cela constitue une affaire en soi.

Mais le dossier de M ;Kuhn concerne d’abord Suez même s’il conforte notre propre appréciation, à savoir, que l’objectif de la fusion est bien de privatiser Gaz de France et de transférer une manne financière considérable du public à des intérêts privés. Une remarque : dans son interview au figaro d’hier, M.Sarkozy parle de la fusion Suez-GdF, alors que le logo montre un mariage GdF-Suez Cette inversion des noms est révélatrice :dans l’esprit du chef de l’Etat, c’est Suez qui compte le plus en termes de pouvoirs, même si, en termes comptables,c’est GdF qui pèse le plus… On veut casser la culture de service public. Les dirigeants actuels reconnaissent d’ailleurs qu’un mariage prublic-privé pose toujours de gros problèmes. Dans les secteurs stratégiques, c’est encore pire qu’ailleurs.

Il faut rappeler également que les privatisations, notamment en France, ont permis la création de fortunes privées.

-   SI une partie de l’argent de Albert Frères dans Suez est entaché disons…d’anomalies, si effectivement de l’argent public a été mis dans la poche de privés qui vont bénéficier du mariage envisagé, il y aurait pour GdF délit de recel, si j’ose utiliser ce mot sans en abuser.

-   Ce n’est pas à moi de vous dire cela. Ni autre chose d’ailleurs. Je constate que les faits énoncés et mis en perspective sont sérieux, que trop de facteurs sont troublants, mais c’est à la justice de faire enquêter, de faire contrôler et de se prononcer. C’est au Parlement aussi de réagir. Une Commission d’enquête parlementaire, à mes yeux, s’impose avec cette donnée nouvelle, sur les côtés secrets, étranges, troubles de ce projet de fusion et sur les conditions dans lesquelles les modalités de cette privatisation déguisée de GdF ont été définies…

-   L’annonce du dépôt d’une nouvelle plainte de M. Kuhn serait-elle pour vous l’occasion d’une demande d’information complémentaire à la direction de GdF ?

-   Nous n’avons pas en l’état d’informations minimales sur l’essentiel. En aurions-nous sur un sujet aussi complexe ? Pour les décideurs, il n’y a que la pression des médias et de l’opinion qui importe. Pour le reste, regardez ce qui se passe… Si une loi gêne ici et là, on la fait changer. Mais sur ces thèmes, mon opinion n’est que celle d’un citoyen. Je ne suis qu’un des six administrateurs qui représentent les salariés de GDF au sein d’un Conseil d’administration et je dois m’en tenir à ce mandat déjà bien difficile à remplir dans les conditions actuelles. En tant que tel, je peux vous dire que j’espère que la fusion n’est pas jouée, comme le pensent trop et trop vite trop de politiques et d’observateurs. Une plainte de M. Kuhn suivie d’une enquête pourrait effectivement apporter des éléments nouveaux si elle démontrait des pratiques de collusion entre des politiques et des intérêts privés. »

(Propos recueillis par Sandrine Kauffer et Daniel Riot)


RAPPEL DES TITRES DANS L'AFFAIRE SARKOZY-FRERE-SUEZ 

>LE DOSSIER KUHN SUR LE BUREAU DE SARKOZY

> LA FACE CACHEE DE LA FUSION SUEZ-GdF

>Ce pays où les scandales ne font même plus scandale.

L’éditorial de Daniel RIOT

>Lettre ouverte au Président Sarkozy

par Jean-Marie KUHN

>L’ITW qui a tout déclenché… 

et le lourd silence des politiques

Par Sandrine KAUFFER et Daniel RIOT

>Ce pays où les scandales ne font même plus scandale.

L’éditorial de Daniel RIOT

>Lettre ouverte au Président Sarkozy

par Jean-Marie KUHN

>L’ITW qui a tout déclenché… 

et le lourd silence des politiques

Par Sandrine KAUFFER et Daniel RIOT


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