Propos sur le vote utile.

Publié le 04 février 2012 par Marx

   Il y a des grands moments de l’histoire sur lesquels le vote utile a sa place. Comme toutes les bonnes choses, il ne faut pas en abuser à n’importe quel propos et à chaque élection car à force de crier « au loup » celui ci arrive au moment où on s’y attend le moins. La « démocratie » se suffit à elle même et ce n’est pas en légitimant le vote utile  qu’elle peut prendre toute  sa dimension. Au contraire, le moindre mal conduit de mal en pis pour finir dans le bipartisme, système chéri de la bourgeoisie, dans lequel les deux camps s’opposent par techniques de gestion différentes du capitalisme. C’est la construction à laquelle se consacre la classe dominante, permettre l’alternance au sein du même système sans le modifier fondamentalement ni sans le remettre en cause. Il ne veulent pas d’alternative mais simplement aménager l’alternance et à leur convenance . L’essentiel c’est bien de poursuivre la course au profit et immédiat si possible. Le vote utile n’est utile que pour ceux qui restent dans la défensive en croyant sauver l’essentiel et il n’est d’aucune utilité quand on ne s’en tient pas même au minimum. S’agit il de remettre la retraite à 60 ans avec 40 années de cotisation, même pas. Augmenter substantiellement les salaires, non plus. Reprendre le bien commun par la renationalisation, pas plus. Faire payer le capital pour les maux qu’il engendre, pas du tout. Changer de système, faut pas rêver. A quoi bon le vote utile pour les travailleurs , s’ ils ne voient rien venir . A quoi bon ce vote utile pour les fonctionnaires  pour lesquels la même logique sera appliquée, en un peu moins brutale et une politique à peine moins drastique.

   Le danger , c’est le FN de Marine Le Pen, donc pour la combattre et éviter le pire il faut se contenter du moins pire. Sauf que  l’extrême droite ne se développe que sur les débris des politiques de renoncement de la gauche. Elle en est le produit collatéral. François Mitterrand n’a pas comme il se dit ici et là favorisé l’émergence du FN afin de mettre en difficulté la droite actuelle. La proportionnelle n’est pas ce qui fonde son existence mais qui traduit une réalité. Cette réalité est le produit d’une politique qui a entraîné de fortes désillusions dans l’électorat populaire, indépendamment de la volonté d’un homme. Quoi que l’on puisse penser de François Mitterrand, un homme ne fait jamais l’histoire, il en est plus souvent le produit. En France, l’extrême droite est de tradition et elle s’exprime le mieux dans des périodes de crise et peut faire recette, comme de 39 à 44, comme produit de la crise. Le pétainisme n’est pas mort avec la défaite du fascisme en Europe, il réapparaît avec le néo libéralisme, avec l’habit du national catholicisme , fond idéologique du capitalisme « moderne ». Le feu couvait sous la cendre depuis 44 et il suffisait au grand patronat de souffler sur les braises afin de reprendre sa revanche sur le compromis social "« imposé » à la libération. Il suffit de se poser la question, « mais pourquoi donc, le fascisme vaincu en Europe, ont ils laissé Franco en Espagne, Salazar au Portugal ? Pourquoi avoir soutenu la dictature des colonels en Grèce, pour enfin mettre en place par un sanglant coup d’Etat, Pinochet au Chili. Pourquoi toutes ces dictatures en Amérique latine et en Afrique ? Parce que telle était la volonté des milieux financiers, du capitalisme et de l’impérialisme américain et pas simplement pour des intérêts géopolitiques et géostratégiques face à l’URSS. Extrême droite ou droite extrême, quelle différence. Et bien oui, autoritarisme, dictature et fascisme sont les composantes indispensables du capitalisme, en alternance avec la démocratie bourgeoise qui leur passe les plats. Pour les milieux de la grande finance , démocratie bourgeoise ou fascisme , peu importe pourvu qu'il y ait profits. Tout est bon afin de conserver le système qui le permet, y compris le fascisme.

   Le fascisme est à la fois un produit et un moyen pour le capitalisme. C’est sur les grandes désillusions engendrées par des politiques social démocrates et le discrédit qui s’ensuit que des milieux populaires désemparés se tournent vers les démagogues et c’est lorsque l’organisation extrémiste est devenu assez forte pour casser les résistances du mouvement ouvrier et du mouvement social, quelle obtient le crédit de la bourgeoisie afin d’accéder au pouvoir.

   Jean Marie Le Pen est de cette vieille tradition nationaliste française, maurrassienne et particulièrement élitiste. Marine Le Pen , sa fille, a compris l’importance du langage et de l’apparence . Elle parle d’ouvriers , de capitalisme , de mondialisation libérale. Elle emprunte une part du langage de la gauche, fait un constat mais cache réellement ses intentions, qui sont de se mettre au service du capitalisme et d’être encore plus zélée que le personnel politique actuel de la droite traditionnelle. Elle fait un constat avec des réponses de toute autre nature. La compassion feinte et le caritatif issus du christianisme social, éléments qu’ont en commun les totalitarismes et une frange de la social démocratie actuelle, pour aussi bizarre que cela puisse paraître. La Présidente du FN opère une mutation de son Parti pour en faire une organisation populaire et de masse, capable de peser  et de s’opposer au mouvement social. Utiliser le peuple contre lui même, voilà la première utilisation des « faisceaux prolétariens » de Benito Mussolini. Le Parti fasciste italien et le néo nazi allemand se revendiquaient du socialisme. Ils étaient des Partis populaires et de masse et ensuite des organisations violentes contre le mouvement ouvrier. Ces deux mouvements au service de leurs bourgeoisies respectives et des forces encore féodales de l’Italie agraire. En Allemagne , la pitoyable politique anti ouvrière de la social démocratie, n’a produit que de grandes désillusions et tracé un boulevard au développement d’un petit Parti dirigé par un petit caporal. La politique utile eut été de faire une politique de gauche et de classe en affrontant la bourgeoisie allemande , plutôt que de se coucher devant ses exigences. Le réalisme en politique n’est pas de suivre et de servir les intérêts de la classe dominante, ni de vouloir sauver un système en décomposition.

   Que de détours pour faire observer, que 2012 n’est pas l’année du fascisme en France. Pour le moment les milieux capitalistes ont leurs candidats au sauvetage du système et de leurs intérêts. Il y a bien Nicolas Sarkozy et Bayrou et en possible alternance François Hollande en « Canada dray » de l’alternative socialiste. Le cas de figure est intéressant, puisqu’il serait et représenterait le « vote utile » fondé sur la peur du fascisme. L’extrême droite sert déjà le capitalisme sans être au pouvoir , ce qui pourrait inciter au vote utile afin de lui barrer la route mais sans toucher le système, au pire l’aménager. Le deuxième acte se joue avec une alternance qui n'est pas une alternative mais une continuité bricolée. Les grandes désillusions se profilent déjà avec une rigueur annoncée. Au peuple à rembourser la dette des riches, au plus peut il espérer un pourboire pour des efforts imposés, cette fois ci par une social démocratie social libérale. Pas de conquête, la mesure, que de la mesure pour une politique aussi ressemblante à la précédente sauf peut être dans la forme. Avec la crise et la politique que l’on devine au travers d’un programme d’accompagnement, le boulevard est ouvert pour une rapide progression du FN.

     « Terra Nova » va dans ce sens en se proposant et en conseillant au candidat du PS d’abandonner les couches populaires, c’est à dire d’abandonner toute politique qui irait dans le sens des intérêts de classe des travailleurs. C’est abandonner et précipiter ces couches dans les bras du fascisme. C’est également dénaturer un peu plus un PS en dérive. Rien d’étonnant à la position de « Terra Nova » déjà fortement inspirée de la doctrine sociale de l’église, tout comme le néo libéralisme, le national catholicisme et le fascisme. Les marqueurs idéologiques de cet organisme sont plus qu’inquiétants dans le contexte actuel. Le vote utile , ce n’est pas de choisir entre deux fonds idéologiques identiques ou bien trop ressemblants. Jean Luc Mélenchon a raison de dire qu’un jour seront face à face le Front de gauche et le FN, les autres auront disparu. Il ne restera , pour l’essentiel que ces deux forces, l’une face à l’autre. Les recompositions politiques risquent bien d’être plus étonnantes encore , comme c’est le cas à chaque grande crise. Pétain n’était il pas le moindre mal, face à tout le reste , pour bon nombre de français et pour une écrasante majorité. C’est quoi le vote utile ? Une machine à faire peur , à rabattre des voix ou tout simplement qui ne vise qu’a affaiblir les forces de transformation réelles. Décidément le vote utile pour 2012 est devenu « le piège à cons ». Ce qui démontre qu’il y a toujours des coquins, pour réduire la démocratie à son plus petit dénominateur, le vote limité et l’expression castrée. Le bipartisme , la bourgeoisie en rêve et le PS veut le faire. Pour un travailleur , il n’est d’autre vote utile que celui, en conscience  de ses intérêts de classe.