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Le drame des océans et des pêcheurs

Publié le 04 février 2012 par Rcoutouly

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Nos habitudes alimentaires vont-elles devoir changer? Vivons-nous la fin d'une période d'abondance alimentaire? Dans le thon, tout est bon, vraiment ?

En ce qui me concerne, le bonheur de cuisiner, c'était celui de préparer du thon frais. Avant de faire griller les tranches de thon, il faut d'abord préparer une sauce rouge, tomates, oignions et poivrons. La saveur des poivrons se marie particulièrement bien avec l'odeur du thon. Je prépare un riz pilaf en accompagnement. Et surtout, je soigne la cuisson du thon : grillé au four ou au barbecue, c'est fantastiquement bon !

Cette scène de bonheur gustatif familial, courante dans les classes moyennes jusqu'à la fin du XXéme siècle, n'est-elle pas condamné à disparaître? En tout cas, le rayon poissonnier de mon supermarché local n'a pas présenté sur son étal de thon depuis des mois.

Je crois que j'ai compris pourquoi je ne trouvais pas de thon en reliant deux informations de ces derniers jours:

-574 000 euros, c'est le prix record déboursé en janvier par un restaurateur japonais pour un thon rouge de 270 kg. Si un gros thon peut atteindre le prix d'achat d'une maison, alors c'est probablement qu'il s'agit d'un des derniers grands thons présents dans les océans.

En 2009, WWF interpellait les pouvoirs publics sur la disparition des populations de ce grand poisson carnivore en 2012. 2012? 2012?  Mais nous y sommes ! Ce qui n'étaient que des mots devient force de réalité : l'odeur mêlé du thon et du poivron ne sera bientôt plus pour moi qu'un souvenir d'un passé irrémédiablement disparu.

-Faut-il voir le même phénomène se reproduire pour les autres poissons? On peut le craindre en apprenant cette autre information : les stocks de poissons en 2012, pour l'ensemble des océans, représentent 10% des stocks de 1950 !

Nous sommes blasés : cela fait des années que des écologistes barbus et illuminés nous bassinent avec leur alerte à propos de la surpêche. Cela fait tellement longtemps qu'ils lancent des SOS que nous avons fini par nous y habituer. Nous avons haussé les épaules en parcourant les rayons de nos magasins, rassuré par la présence de poissons sur nos étals. Nous n'avons pas toujours perçu les changements qui s'y déroulaient : les poissons d'élevage et les produits dérivés se sont multipliés au détriment du poisson "sauvage" de plus en plus rare et cher.

Nous avons accepté l'idée qu'il fallait poursuivre, qu'il n'y avait pas d'autres solutions : les pêcheurs doivent subsister et vivre et nous voulons continuer à manger du poisson.

Les politiques publics classiques ont persisté: au rythme des blocages des ports par des pêcheurs en colère et des coups médiatiques de Greenpeace, le personnel politique a piloté ce dossier au gré des événements : subventions et aides coûteuses d'un côté, réglementation de plus en plus lourde et pourtant inefficace.

Et si on prenait un peu de hauteur sur ce sujet? Le problème central de la pêche est qu'il s'agit du seul secteur économique sans régulation. Pourquoi? Parce que les océans n'appartiennent à personne et que l'on continue à considérer que leur immensité les rendent inépuisables. Mais la technique des hommes a dépassé depuis des décennies la capacité des océans : nous la vidons sans pouvoir maîtriser les populations qu'elles abritent.

Il n'y a qu'une seule politique possible pour se redonner les moyens de maîtriser l'économie de la pêche et les ressources dont celle-ci dépend: il faut cesser de voir la mer comme un espace vierge inépuisable, il faut la gérer comme on gère les forêts et les cultures.

Comment faire concrétement? Il faut réaliser en parallèle trois politiques.

1-Transformer, dans les zones  économiques exclusives (Z.E.E.), des secteurs entiers en zone de pêche interdite. Ces réserves sont essentielles à la conservation des écosystèmes et à la reproduction des espèces. Pour bien faire, il faudrait que 10% des ZEE soient des réserves et que cela se fasse dans des écosystèmes variés pour préserver la biodiversité du milieu marin.

2-Transformer le travail des pêcheurs en privatisant des secteurs entiers de la mer dont ils auraient la jouissance et qu'ils devraient entretenir. Responsabilisés, ils auraient la charge de valoriser le territoire qui leur serait attribué, soit en gérant la ressource, soit en installant de l'élevage en pleine mer de poisson ou de coquillage, soit en participant à leur valorisation par l'installation de centrales énergétiques (hydroliennes, éoliennes en milieu marin, ...). Ces nouvelles pratiques rendront obsolètes les techniques de chalutage et autres ratissages du fond marin, techniques particulièrement destructrices pour les milieux. 

3-Mettre à contribution le consommateur qui payera -quoi qu'il arrive- le poisson de plus en plus cher. On lui demandera une petite contribution quand il achètera du poisson "sauvage". Cette contribution servira à financer la reconversion des pêcheurs qui devront passer du statut de cueilleurs à celui d'éleveurs-gestionnaire d'un secteur marin. Cette contribution augmentera au fur et à mesure de la disparition des stocks.

Conclusion : pourquoi n'arrive-t-on pas à installer des parcs et des réserves marines, alors que tout le monde sait qu'il s'agit de mesures indispensables? Parce que le pêcheur, aux abois, s'y oppose de toutes ses forces. On ne peut régler le problème de la surpêche qu'en trouvant des solutions économiquement viables pour les pêcheurs.

La responsabilisation des pêcheurs, autour d'un territoire qui leur sera attribué, est la seule chance de gérer correctement le milieu marin.



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