Wo La Crise! celle que l'on nous rabâche depuis presque l'ennui des temps a tissé sa toile du grenier de nos réflexes jusqu'à la cave de nos certitudes. L'escalier de service servant à faire le lien entre la montagne d'informations en tout genre et tout lieu qui nous ventile en continu les couches supérieures du cervelas et l'accouchement quasi permanent d'une souris sous sa forme de mélodie en sous-sol.
"Planquez-vous les gars ça va faire mal""dorénavrant c'est chacun pour soie""Demain et vingt dents au plus tard, on verra le bout du tunnel."etc etcD'ici là, si t'es pas bien dans ton assiette,heu!t'as qu'à sortir couverts.
Mais La Crise,Wa la crise!n'a pas que des détracteurs, que nenni peau de chien. Partant du principe historique que pendant les travaux, la fête continue , certains d'entre-nous, malins comme des singes, rusés comme des renards et futés comme une centrale d'achat surfent sur la vague inlassablement renouvelée afin d'en percer tous les spots de leurs secrets (mais c'est dégueulasse ton truc-voix off-).Et c'est ainsi qu'au nom de la sainte consommation pour qui c'est tous les jours sa fête, (le but de l'économie n'est pas le travail mais la consommation- Alfred Sauvy-) il existe une formule au rabais nous permettant de profiter de tous les bienfaits de la civilisation qui croît et qui pète (décidément, c'est maternelle aujourd'hui-voix bof-).
Même devant leur amère tune. tous les besoins ont de quoi être satisfaits, il suffisait d'y penser en lettres bien grasses d'imprimerie et discount, ristourne, remise et bon marché.compris.Le premier prix n'étant alors plus attribué au winner mais plutôt au looser qui sommeille en chacun d'entre-nous.De quoi nous décomplexer en somme...
Et c'est ainsi que musardant dans les rayons au design néo soviétique d'une chaine dévouée à la faillite des autres, et fouillant de bon coeur dans des bacs à tout et souvent n'importe quoi, je tombais (c'est une image bien sur) sur un bouquin au titre racoleur "ça va vieux?"- ("racoleur" c'est une formule naturellement)et au quatrième de couverture commençant par: "ça va vieux? A 40 ans, la question faisait "bon copain"; à 65, elle réveille toutes vos hantises. Les vieux, ça vieillit! .../..."
Et là je vous arrête tout de suite, je n'ai pas soixante-cinq ans, mais d'un autre côté je n'ai plus quarante ans non plus et à vrai dire je serais même en quelque sorte et au jour d'aujourd'hui, plus proche des soixante-cinq que des quarante.Ah! ah! ah! vous dites-vous et je vois bien d'ici ce petit air légèrement moqueur pour ne pas dire con-descendant qui sied bien à l'effronté jeunesse.
Parfaitement je l'ai acheté et je vous...Non mais des fois!et puis franchement 2euros 40 au lieu de 17, 95, c'est une affaire et c'est mon côté sentimental sans doute: Si je peux sauver un livre du pilon alors j'en prends une aile.-Quoi l'auteur?Ah bon j'ai pas dit ...C'est ptêt exprès finalement (comment j'ai honte?) Je vous connais, vous allez avoir des à priori! Tssssss.. Allez, je vous livre un extrait et vous donnerais la marque ensuite:
Samedi. c'est fini!
"Merde alors! Je ne pensais pas aller aussi vite pour transformer d'innombrables bouts de papier en une suite de pages, un peu comme un livre!! Ah mes notes! J'ose pas en parler. Derrière _une facture Roady-Pneus, j'ai noté "pour vivre longtemps il faut donner à son cul vent". J'ose pas en parler! ça tourne autour du pet, bien sûr. Il y a des instruments à corde et à vent, je suis d'une famille à vent.-"Il ne faut pas renier son cul pour un pet"-...C'est ma grand-mère Mélie qui me disait ça...Je me demande bien pourquoi!Alors elle ajoutait: " Pour vivre longtemps il faut donner à son cul vent", puis elle enchaînait en pétant un bon coup: "quand un cochon écrit à un autre cochon, il n'est pas longtemps sans avoir de réponse"!"Bon, ce n'est pas avec ça que je vais faire avancer le schmilblick, je sais, mais j'adore retomber en enfance, au joli sens de l'expression. Un proverbe chinois dit:"Celui qui reste jeune, c'est celui qui a gardé la fraîcheur de l'enfance."Vous me ferez remarquer qu'en matière de fraîcheur, il y a mieux que les élucubrations de ma grand-mère . Mais rester un peu bêta, désinvolte, rigolo et primaire, ça aide à ne pas vieillir.ça aide aussi à ne pas rester les deux pieds dans le même sabot en se demandant: " Mais à quoi vais-je pouvoir occuper mon temps libre?" sous prétexte qu'on 'est ni un grand écrivain ni un grand architecte, et qu'à part son ancien métier, on ne sait rien faire. Quand aux distractions "culturelles" il faudrait y être préparé, pensez-vous. Erreur!Quand j'ai découvert la culture, la vraie, celle où l'on s'emmerde, celle où l'on "doit" absolument aimer Proust ou Céline, celle où l'on vous "ordonne" d'être bouleversé par tel ou tel tableau, je me suis dit que je ne suivrais pas ce chemin-là. Je ferais confiance à mon émotion; si vous ne sentez pas la poussée de vie dans l'oeuvre d'un artiste , c'est que ce n'en n'est pas un. Je me suis lancé dans la culture comme dans l'élevage de mes vaches: Je voulais voir et sentir du beau, du bon, et je voulais être heureux.Mais avant d'en arriver là, pour" meubler" mon temps libre, je me suis contenté d'activités plus modestes. A vous de voir ce qui vous tente...Vos vacances prolongées ne doivent pas être signe de vacuité. La nature a horreur du vide.!"
extrait de: "ça va, vieux?" de Gérard Klein- éditions Michel Lafon-
-illustrations- source: Toile