[...] D'autant que Venise n'est en rien monotone. Elle est d'humeur changeante plus que tout autre endroit sur la terre. Les couleurs y varient tout autant en un jour, parfois même en une heure, qu'elles le font dans les contrées nordiques en un mois ou en une saison. Prenons un peintre. Il trouve un sujet selon son coeur - de fait, il a l'embarras du choix. Il y travaille une première journée, disons même une deuxième, au terme de laquelle il contemple, satisfait, la façon dont il a capté le coloris qui l'avait d'abord enthousiasmé. Mais voilà qu'une perturbation atmosphérique le fait douter de son travail. Telle lumière dorée est désormais argentée, telle ombre d'un bleu léger baigne à présent dans une riche teinte digne du cinquecento. Notre peintre doit modifier l'ensemble de sa palette ou s'en retourner chez lui. Le lendemain, ce peut être pire encore, et il se pourrait bien qu'il ait à attendre de longues semaines avant de retrouver l'effet qu'il n'a pas eu le temps de rendre. Voilà pourquoi certains tableaux de Venise, exécutés en studio, évoquent si rarement à celui qui la connaît bien la cité de la lagune, cependant que l'esquisse rapide, fidèle au regard et à l'appréciation de l'artiste au coup d'oeil sûr et à la main experte, est si belle. Or ce changement d'humeur qui désespère l'observateur le plus attentif, fait la joie du flâneur, amant de Venise. Ces sautes d'humeur et de couleur font son bonheur, ou du moins le devraient. Pourquoi devrait-il jamais se lasser de cette volage maîtresse ? Il s'en lasse d'ailleurs rarement. Il se promène aujourd'hui où il se promenait hier. La lagune, les îles, les édifices : tout est bien là [...](extrait du chapitre II - A Garden in Venice - de Frederic Eden © Le serpent de Mer, très belle édition que j'ai en ma possession)
ZUDECA : le jardin d'Eden
Publié le 04 février 2012 par Venetiamicio
UN JARDIN À VENISE
[...] D'autant que Venise n'est en rien monotone. Elle est d'humeur changeante plus que tout autre endroit sur la terre. Les couleurs y varient tout autant en un jour, parfois même en une heure, qu'elles le font dans les contrées nordiques en un mois ou en une saison. Prenons un peintre. Il trouve un sujet selon son coeur - de fait, il a l'embarras du choix. Il y travaille une première journée, disons même une deuxième, au terme de laquelle il contemple, satisfait, la façon dont il a capté le coloris qui l'avait d'abord enthousiasmé. Mais voilà qu'une perturbation atmosphérique le fait douter de son travail. Telle lumière dorée est désormais argentée, telle ombre d'un bleu léger baigne à présent dans une riche teinte digne du cinquecento. Notre peintre doit modifier l'ensemble de sa palette ou s'en retourner chez lui. Le lendemain, ce peut être pire encore, et il se pourrait bien qu'il ait à attendre de longues semaines avant de retrouver l'effet qu'il n'a pas eu le temps de rendre. Voilà pourquoi certains tableaux de Venise, exécutés en studio, évoquent si rarement à celui qui la connaît bien la cité de la lagune, cependant que l'esquisse rapide, fidèle au regard et à l'appréciation de l'artiste au coup d'oeil sûr et à la main experte, est si belle. Or ce changement d'humeur qui désespère l'observateur le plus attentif, fait la joie du flâneur, amant de Venise. Ces sautes d'humeur et de couleur font son bonheur, ou du moins le devraient. Pourquoi devrait-il jamais se lasser de cette volage maîtresse ? Il s'en lasse d'ailleurs rarement. Il se promène aujourd'hui où il se promenait hier. La lagune, les îles, les édifices : tout est bien là [...](extrait du chapitre II - A Garden in Venice - de Frederic Eden © Le serpent de Mer, très belle édition que j'ai en ma possession)
Sources : Venise Insolite et Secrète Thomas Jonglez et Paola Zoffoli, p.365 du guide.* On trouve dans le prénom Friedrich la racine "Frieden" qui, en allemand signifie "paix".** L'épopée de la création du jardin se découvre dans un charmant petit livre : Un jardin à Venise (Editions Actes Sud), publié pour la première en anglais à Londres en 1903.
J'ai devant les yeux un dessin de Hugo Pratt où le beau Corto appuyé contre un puits, fumant une cigarette, tient ce discours à sept "suriani" : Dans le Jardin d'Eden, il y avait de tout. Foie de volaille, petits rognons, viande hachée, petits poissons rouges et bols de lait. Mais il y avait une chose que l'on ne pouvait manger : " L'arête de poisson interdite" qui poussait...(page 134 Venise Itinéraires avec Corto Maltese- Porte de la Couleur)
[...] D'autant que Venise n'est en rien monotone. Elle est d'humeur changeante plus que tout autre endroit sur la terre. Les couleurs y varient tout autant en un jour, parfois même en une heure, qu'elles le font dans les contrées nordiques en un mois ou en une saison. Prenons un peintre. Il trouve un sujet selon son coeur - de fait, il a l'embarras du choix. Il y travaille une première journée, disons même une deuxième, au terme de laquelle il contemple, satisfait, la façon dont il a capté le coloris qui l'avait d'abord enthousiasmé. Mais voilà qu'une perturbation atmosphérique le fait douter de son travail. Telle lumière dorée est désormais argentée, telle ombre d'un bleu léger baigne à présent dans une riche teinte digne du cinquecento. Notre peintre doit modifier l'ensemble de sa palette ou s'en retourner chez lui. Le lendemain, ce peut être pire encore, et il se pourrait bien qu'il ait à attendre de longues semaines avant de retrouver l'effet qu'il n'a pas eu le temps de rendre. Voilà pourquoi certains tableaux de Venise, exécutés en studio, évoquent si rarement à celui qui la connaît bien la cité de la lagune, cependant que l'esquisse rapide, fidèle au regard et à l'appréciation de l'artiste au coup d'oeil sûr et à la main experte, est si belle. Or ce changement d'humeur qui désespère l'observateur le plus attentif, fait la joie du flâneur, amant de Venise. Ces sautes d'humeur et de couleur font son bonheur, ou du moins le devraient. Pourquoi devrait-il jamais se lasser de cette volage maîtresse ? Il s'en lasse d'ailleurs rarement. Il se promène aujourd'hui où il se promenait hier. La lagune, les îles, les édifices : tout est bien là [...](extrait du chapitre II - A Garden in Venice - de Frederic Eden © Le serpent de Mer, très belle édition que j'ai en ma possession)