Je ne peux plus vous engager à aller voir l’expo exceptionnelle Léonard de Vinci à Londres (oui il m’arrive de quitter ma ville), elle s’achève ces jours-ci. Je ne vous engagerai pas non plus à aller voir l’expo Cézanne au Luxembourg : ou je n’ai pas de chance avec ce peintre – jusqu’à présent je demeure insensible à son art mais je ne désespère pas – ou cette expo n’est pas la plus représentative de sa… lumière légendaire. Cézanne à Paris est triste, misogyne, et rien qu’à comparer (ce que propose l’accrochage) le portrait du célèbre galériste Ambroise Vollard fait par l’artiste avec la version de Pierre Bonnard… Ben je suis désolée, c’est la vision de Bonnard qui m’enchante. Bref.
La Rue des Saules par Cezanne : petit clin d'œil-consolation de l'expo
Donc, pour tenter d’égayer un peu la vie sous ciel gris, il me reste un livre. Un. Non pas que la rentrée littéraire ne porte pas son lot de bons livres : celui d’Antonio Muñoz Molina est par exemple magistral (Dans la grande nuit des temps, au Seuil). Mais celui dont je veux vous parler m’a beaucoup amusée, il est léger et – ne soyez pas surpris – quelque peu “trash”.
Une double vie c’est deux fois mieux, dit le titre. Et je suis parfaitement d’accord. Jonathan Ames est un écrivain new yorkais qui – comme tout créatif qui se respecte – fuit l’ennui en menant non pas une, mais des vies. Dans son cas, il s’invente des missions ou accepte toute proposition qui se présente, aussi farfelue soit-elle.
Ce type est assez barré pour contribuer du Club des admirateurs du velours côtelé (si si, ça existe)
Se faire passer pour un détective privé et être embarqué derechef dans une histoire impossible ; accepter de se faire péter le nez dans un combat de boxe spécial écrivains ; plonger dans des gouffres de perplexité sexuelle (beh oui ça arrive)… Entre journalisme, essais et nouvelles, toutes ces petites histoires sont tour à tour amusantes, enrichissantes, ou hallucinantes. On se marre dans ces chroniques barrées et gonflées, nourries par la vision et l’autodérision de ce type tout à fait attachant. C’est un peu comme si outre-Atlantique ils avaient un Frédéric Beigbeder plus fun, pas énervant et qui surtout ne se prendrait pas au sérieux. En revanche, avertissement : c’est à ne pas mettre entre les mains de toute personne de moins de 16 ans ou… sexuellement coincée.
Entre Sex in the city au masculin et Rencontres du troisième type au bout du couloir à gauche, on sourit des vies légères de Jonathan Ames et, comme je le disais, en cette période, ben c’est pas du luxe.
Cadeau Bonus : il se met en scène aussi en série télé dans Bored to death, produite par ses soins sur HBO avec dans son rôle l’acteur Jason Schwarztman, accompagné par Ted Danson et quelques guests comme, dans la première saison, Mister Jim Jarmush. Ce n’est pas ma série préférée (j’ai déjà parlé de mes héros favoris ici), mais c’est léger, et fun.
Contre la grisaille, je recommande !
- Une double vie c’est deux fois mieux, de Jonathan Ames, éd. Joëlle Losfeld, 256 p., 21 euros 50. En librairie ce 9 février.
- Dans la grande nuit des temps, d’Antonio Muñoz Molina, éd. du Seuil, 768 p., 23 euros.
Ps. Il y a aussi au cinéma mon cher George (Clooney) dans “The Descendants” et “Another happy year” avec la géniale Ellen Barkin (qu’on ne voit pas assez depuis vingt ans) : mais si ce sont de bons films, pas de quoi vous en parler sur une page… Quant à la version de Millenium par Fincher : boh, c’est comme revoir son “Zodiac” en Suède. Pis je préfère Noomi Rapace à Rooney Mara, même si elles se valent en termes de noms impossibles. Reste qu’une bonne histoire, est une bonne histoire.