En mai 68, Michel Etchegaray fête ses 14 ans, élève au collège Saint-Sulpice, rue d'Assas, à deux pas du Quartier Latin, à Paris. A la sortie de l'école, il assiste aux premiers affrontements entre les étudiants gauchistes "reconnaissables à leurs drapeaux noirs" et les groupuscules d'extrême-droite logés à la Faculté de droit tout près. A mesure que la contestation gagne en ampleur, Michel, interpellé, se prend à suivre les évènements à la radio jusque tard dans la nuit, en secret. "J'écoutais les reportages de RTL, du fond de mon lit, le transistor collé à l'oreille. C'est comme ça que j'ai appris que les étudiants se regroupaient place Saint-Michel où commençaient les bagarres avec les flics".
Photo : Michel Etchegaray 10 ans après mai 68, en retraite hippie à Ibiza
Avec son ami Fernandez, fils d'immigrés catalans amateur de photo, Michel profite des après-midi libérés par l'annulation des cours pour se rendre au coeur du Quartier Latin et y capter l'atmosphère. "On n'avait aucune conscience politique, mais on comprenait qu'il se passait quelque chose. On sentait que nos aînés contestaient les pouvoirs en place, les institutions, l'éducation reçue. Ca coïncidait avec le début d'adolescence alors tout ça nous excitait". Un jour, Michel et Fernandez pénètrent dans l'enceinte de la Sorbonne, occupée par les étudiants. Dans les amphis, on parle marxisme-léninisme en assemblées générales. Dans la cour intérieure, on vend les pavés arrachés la nuit précédente, avec les portraits de Mao et du Che. Michel et Fernandez observent, attentifs et intrigués.
"L'air était tellement pollué de gaz lacrymogène que l'on avait les larmes aux yeux"
Le souvenir le plus marquant pour Michel, c'est la nuit du 10 au 11 mai, quand étudiants et forces de l'ordre s'affrontent avec une rare violence dans la rue Gay-Lussac, près du Jardin du Luxembourg et du Panthéon. Fixé au transistor, Michel suit les reporters raconter les innombrables barricades, les émeutes et les arrestations. Le lendemain, dès 9h du matin, il se rend sur les lieux avec Fernandez pour prendre des photos. "L'air était tellement pollué de gaz lacrymogène que l'on avait les larmes aux yeux. On se protégeait avec des mouchoirs. L'armée était là avec les bulldozers, c'était la première fois que je voyais ça. On a pris plein de photos, qu'on a développées immédiatement dans le labo de Fernandez. C'était très excitant".
Petrie Yaienflat