Chansons oubliées : Le gardien du port, par Roger Schep (1965)

Publié le 03 février 2012 par Réverbères
Ce n’est pas que cette chanson soit oubliée par la plupart des humains. Simplement, ils ne la connaissent pas et n’en ont jamais entendu parler ! Si moi-même je la connais, c’est sans doute un peu par miracle ! À l’époque – on était en 1965 – mes parents étaient abonnés à une revue qui parlait de chansons… Un jour, le numéro du mois était accompagné de ce 45 tours… que nous avons écouté en boucle sur notre Teppaz, avec « Le gardien du port » en face A et « Annabelle » en face B. Cette chanson « Le gardien du port » m’a vraiment impressionné et je crois que je l’ai encore plus chantée moi-même qu’écoutée. Quelque part, ce texte était un peu « politiquement incorrect » pour l’époque. C’est peut-être ça qui me plaisait bien.
Roger Schep était un artiste namurois né en 1937. Il a chanté, mais aussi peint. Dans les deux cas, ça ne nourrissait pas son homme, et il a donc œuvré à d’autres intérêts. N’empêche, il a connu son heure de gloire puisqu’il a quand même fait la première partie de Jacques Brel, à l’Ancienne Belgique ! Il a continué à chanter en amateur. En 2006, il était encore sur scène à Gelbressée. Mais il décédait l’année suivante, à Namur.
Il est accompagné sur ce disque par le groupe « Les Noctambules », un orchestre de jeunes actif pendant « les golden sixties », sous l’inspiration des Shadows. Ils savaient manier la guitare !


Avant d'écouter "Le gardien du port", arrêtez le lecteur à droite (s'il fonctionne).

Avec ma figure de travers
Je suis le gardien du port
Et si tu savais
Combien j’en ai vu de loups de mer
Qui boivent et parlent fort
Ah tu me dirais
Que j’en connais un sacré bout
À force d’écouter
Les récits de ces diables fous
Doux comme des bergers
Qui ont pris la mer pour maîtresse
Et que les grands espaces
Remplissent de sourdes allégresses
Rendent calmes et sagaces
Combien j’en ai vu de matelots
Qui parlaient des filles blondes
Du port d’Hambourg
Des filles de Londres et de Tokyo
Et qui maintes fois du monde
Avaient fait le tour
Ces gaillards-là m’ont fait porter
Des noms d’un peu partout
Igor Yvon Johnny René
De quoi devenir fou
Et si j’ai pas le pied marin
Tu peux me demander
N’importe lequel de leurs vieux refrains
Je te le chanterai
Ils m’ont ramené des souvenirs
Il y a chez moi des tas
De petits bateaux
Des pipes, un châle de cachemire,
Du tabac de Sumatra
Des noix de coco
Et si tu veux bien t’amuser
Prends un flacon de fine
Et viens visiter mon musée
De la marine
Tu m’y verras grandeur nature
Sur le panneau central
Arborant avec fière allure
La tenue d’amiral
Si j’ai la figure de travers
Et bien c’est parce qu’un jour
Au petit matin
Avec les marins du Dragon vert
Pour une histoire d’amour
Éclata soudain
Une bagarre dont je sortis
Sanglant et courbattu
Si ma machoire est démolie
C’est un souvenir de plus
C’est depuis lors qu’à chaque escale
Les gars du Dragon vert
Viennent me tirer de mon local
Pour aller prendre un verre
Et quand je m’en retourne au pays
Faut voir comme les enfants
Attendent le jeudi
Car pendant toute une après-midi
Je raconte lentement
Quand ils sont assis
Des histoires à dormir debout
Pas souvent véridiques
J’suis pas menteur mais qu’voulez-vous
Il faut voir leurs mimiques
Le résultat de ces histoires
C’est qu’au bout de deux jours
Ils m’ont surnommé Barbe noire
Capitaine au long cours
Moi qui ne sais pas même nager
Je suis quelqu’un maintenant
Sans avoir dit ouf
Je les laisse entre eux se raconter
Que je suis un descendant
Du vaillant Surcouf
Tonnerre de Brest, sabre de bois
Crient-ils dans tous les coins
Quand je s’rai plus grand tu verras
Je serai aussi marin
Ah si les gars du Dragon vert
En arrivant au port
Apprenaient ça à mon p’tit verre
Ils en riraient encore
Ah sacré vieux menteur
Sacré vieux farceur
Sacré vieux loup de terre