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L’opinion en ligne reste une terre de conquête

Publié le 03 février 2012 par Delits

L’institut Linkfluence publie ce matin, dans Le Monde, une nouvelle édition de la cartographie du web politique français. Une « cartographie », c’est à dire la représentation visuelle d’un éco-système d’influence : très schématiquement, qui émet les contenus les plus repris, qui relaie ces contenus ?

Les plus avertis se souviennent peut-être du « Blogopole » publié en 2007 par le même institut, qui pointait la sur-représentation en ligne de la sphère « centriste ». Les blogs liés à l’ex-UDF constituaient alors le deuxième ensemble politique en ligne, derrière la sphère socialiste, mais devant la sphère UMP. A défaut de traduire la réalité du rapport de force politique, la cartographie du Blogopole dessinait une dynamique :  une avant-garde centriste dense et offensive était signalée.

On peut également convoquer, au titre des références, l’édition 2011 de cette cartographie. Y était mise en évidence la rétractation générale du web politique français (sans surprise pour une année pauvre en élection majeure), mais également et surtout le dynamisme de la « réacosphère ». Un « nouveau front » s’ouvrait en ligne, signal confirmé depuis par les baromètres et autres enquêtes traditionnelles.

La cartographie 2012 affine ce diagnostic en s’enrichissant d’une nouvelle grille de lecture. Sont désormais distingués les sites militants des sites sympathisants : en effet, « voir la répartition entre les sites sympathisants et les sites directement liés au parti est un signe de vitalité d’un courant politique » (Politicosphere). Enseignement principal : gauche socialiste et extrême-droite sont les deux grands pôles de mobilisation du web politique français… Avec ce que cela comporte de conséquence dans la nature des contenus en circulation.

UN NOUVEL HORIZON POUR LES INSTITUTS

Ces cartographies, et les outils qui les rendent possible, ouvrent un champ nouveau dans les études d’opinion, celui de l’opinion en mouvement. Les études qualitatives et quantitatives peuvent bien s’attacher à décrire dans le détail et sous toutes les coutures les perceptions du grand public, elles n’en représentent pas moins un artefact. L’opinion y délivre ses vérités comme un corps s’ouvre sous le scalpel du praticien. On y trouve ce que l’on y cherche. On y constate l’accident.

Les études d’opinion en ligne (veille et cartographies web) investiguent elles, depuis le milieu des années 2000, le domaine de la perception exprimée (par opposition à la perception latente). L’analyste y écoute des propos véritablement spontanés,  des prises de parole libres et non contraintes. Ni salle d’entretien, ni enquêteur, ni questions ou suggestions. Le dispositif de recueil est invisible, inactif, littéralement virtuel. La perception exprimée des individus est recueillie dans toute son intégrité  -voilà la véritable force des études en ligne.

On pourrait objecter que ce champ n’existe que pour que des catégories de population bien identifiées, celles qui ont la plus grande facilité à entrer dans une arène en ligne. Sans doute. Répondons à cela que la massification des pratiques numériques rend l’argument caduque à moyen terme  – lorsque l’on parlera « d’internautes » de la même manière que l’on parle de « téléspectateurs », et non plus comme d’une ethnie exotique de la population française. Et puis, ce biais est peut-être préférable à d’autres. Vaut-il mieux recueillir les propos libres et spontanés d’une catégorie de population identifiée, ou recueillir les propos somme toute artificiels d’un échantillon dit représentatif ?
Autre force des études en ligne : le temps réel. Les technologies de « tracking » permettent de suivre avec une précision remarquable la circulation (et donc l’influence) d’un mot d’ordre, d’une image, d’une vidéo, d’un concept. On y lit ce qu’il fallait autrefois deviner – et on le lit en temps réel. Le web enregistrant tout, rien n’est perdu, tout se mesure.

L’INDISPENSABLE COMPLEMENTARITE

Cette ouverture ne signifie pas qu’il faille renoncer aux études traditionnelles, loin de là : les deux champs sont complémentaires.

Il y a d’une part ce qui est pensé, de l’autre ce qui est dit. Il y a l’individu socialement déterminé, par la signalétique classique des instituts (âge, CSP, etc.), et l’individu librement communautaire (passionné de politique, de voiture, de santé, etc.) – mais avant de combiner ces dimensions, il faudra encore expliquer à beaucoup que le web n’est pas un outil, ni même un média, mais un espace.


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