Vous venez de quel milieu social ?
Marlon : Milieu tranquille. Classe moyenne. Je n'ai jamais eu à me plaindre. J’ai suivis des cours de musique quand j’étais petit, j’ai appris à lire et à écrire. J’ai eu des cadeaux de noël et des cadeaux à mes anniversaires. On ne peut pas non plus dire que c’était ultra ultra aisé mais c’était cool.
La Femme, ça a commencé à Biarritz ?
Sacha (clavier) et moi, on vient de Biarritz. On s’est rencontrés petits, on a toujours fait un peu de musique. Ma mère m’a vachement poussé et lui en faisait avec son père. Puis vers 15 ans on en faisait de plus en plus sérieusement ensemble. Quand je suis monté à Paris j’ai monté un groupe avec Sam (bassiste) : SOS Mademoiselle, et quand je revenais à Biarritz, je faisais tout le temps du son avec Sacha. On a commencé à faire un groupe ensemble en se disant qu’on allait faire un projet sérieux dans quelques temps mais on a arrêté SOS Mademoiselle pour se mettre à fond dans la Femme. Sam est venu nous rejoindre pour les lives avec Noé (batterie) et Clémence.
Comment ça s’est monté ?
On a eu un plan pour jouer au Roxy Jam. Trois mois avant, on a su qu’on était bookés grâce aux morceaux enregistrés sur myspace. On a répété comme des oufs, on a trouvé des concerts à Paris pour se faire la patte et après on a joué là-bas. Et c’est là que ça a vraiment commencé.
Vous avez enregistré dans quelles conditions le premier EP ?
La première version, sur garage band piste par piste. La deuxième, celle que tu entends partout, dans un studio, puis mixée par un mec qui s’appelle Alf et qui a déjà mixé Air par exemple.
Qui a décidé la batterie sèche et la reverb ?
Ca, c’est notre style. Nous dans le mixage, on ne cherche pas un mec qui a une renommée et bam on lui donne nos morceaux. On préfère un mec qui connaît bien la machine et qui peut bien nous écouter parce qu’on va tout le temps lui dire quoi faire.
Pendant l’enregistrement avec Alf, ce qui a été compliqué c’est que ce mec est une pointure du mix. Et comme il a 40 balais, t’as plus de respect pour lui, tu vas moins lui péter les couilles et c’est plus intimidant de lui dire quoi faire. C’est genre : « Je connais mon taf ». Donc pour l’album, on va prendre un mec un peu plus jeune, qui connaît bien la machine mais va tout accepter. Au niveau communication ça passe impec’.
Où avez-vous tourné le clip de "Sur La Planche" ?
Entre San Clemente et Costa Messa, en Californie, à côté d’une usine militaire. On l’a fait avec Georges Trim, un mec qui fait des vidéos de surf vu qu'il y allait avoir des plans. Il a pris sa caméra et on a tout fait avec lui, sauf les mecs dans les vagues : c’est pas nous qui surfons. Mais le tournage était une prise de tête vu qu’on avait une idée précise de ce que l’on voulait faire et que les idées du mec divergeaient.
Vous en êtes content ?
Pffff… Il aurait pu être mieux. Je ne me l’imaginais pas comme ça à la base. Disons qu’on en est satisfaits a 70%...
La tournée au Etats-Unis s’est décidée comment ?
Après le show Roxy, on s’est fait des potes américains qui surfaient et habitaient près de LA. On savait qu’on pouvait venir chez eux. C’est là qu’on a eu l’idée de prendre des instruments et de trouver des concerts. On a tous dû bosser pour rester à peu près trois mois là-bas.
Bosser dans quoi ? Plans galères ?
Moi (Marlon) j’ai fait serveur. Sacha a fait la plonge et Sam distribuait Métro le matin.
Sam : Ouais, je me levais à 5h du mat’ pour aller à Cergy. J’avais une heure et demie pour y aller et c’était l’horreur parce que quand j’arrivais là-bas, y’avait déjà plein de journaux distribués et y’avait tellement de gens ! Mais au final, j’ai pu bosser moins de temps que prévu pour gagner plus. Travailler moins pour gagner plus quoi ! Mais j’avais quand même une heure et demie de RER…
Marlon : Du coup, on s’est fait 3000 balles chacun et on a proposé à Clémence et Noé de partir avec nous mais ils ont pas trouvé de taff, ils ont eu la flemme de partir et préféraient rester avec leurs mecs et meufs en France.
Ca s’est prévu comment ?
On a envoyé plein de mails à plein de salles en répertoriant chaque ville où l'on voulait aller, envoyé des lettres à des blogs et des gens nous ont répondu, dont une meuf bookeuse, qui travaille pas mal dans le milieu de la nuit qui a été DA à la Mezzanine de San Fransisco. Dix jours avant de partir, on avait 10 dates. On a fini avec 24 dates sur la tournée. On est restés 3 mois, le maximum du visa tourisme. Comme on venait pour « travailler », enfin faire des concerts, il nous aurait fallu un visa de travail, ce que l’on avait pas. On n'a dû faire une opération commando : on n'est pas partit le même jour, on a du dissimuler les instruments dans les bagages et effacer les dates du myspace au cas où ils te choppent à la douane parce que sinon tu rentres direct. Il y a plein de groupes qui se font niquer comme ça…
Vous avez fait les choses bien.
On a eu un coup de tête, mais un coup de tête 4 mois avant. Un voyage comme ça il faut l’organiser sinon ça part en couille. Même si on ne savait pas où dormir quand on est arrivé… Après on est allés de gens en gens. Le premier mec chez qui on est arrivés partait à NY avant notre premier concert a LA. Coup de bol, le mec était trop cool, il nous a laissé les clés de sa maison. Les gens étaient trop sympas mais parfois un peu fourbes. Ils sont là en mode Yeah Yeah, mais derrière y’a plus personne.
Vous checkiez un peu l’ordi pour voir ce qui se passait en France ?
L’EP est sorti deux jours après qu’on soit aux USA. C’est surtout aux Etats-Unis que ça avait bien pris. On tapait La Femme Sur La Planche sur Google et y’avait plein de résultats. On trouvait ça ouf. A la fin, on était excités de rentrer en France pour voir ce qui nous attendait.
Est ce que le fait que vous vous soyez barrés aux Etats-Unis au moment de la sortie de l’EP, a provoqué tout un truc autour de vous en France ?
Mais grave. Surtout par rapport à la façon dont ça marche en France. Ca impressionne les Français quand un artiste où quelqu’un marche dans un pays étranger. Direct tout le monde va s’intéresser au truc. Les Etats-Unis ont été un raccourci. Ca nous a aussi fait prendre confiance.
Et les US nous aussi ont permis un gros changement dans notre stratégie. Avec Sacha, on voulait que ça soit un projet en duo. On avait composé tous les morceaux ensemble, fait les maquettes pour ensuite aller voir les labels et voir si un mec serait prêt à nous signer. Finalement, tout a changé mais on voulait quand même se garder pour un gros label donc attendre. Et aller trois mois aux Etats-Unis, ça a été comme être en apnée et nous a permis de dire à tout le monde : « Pour l’instant, on ne décide de rien mais on se rencontre quand on rentre ». On a fait patienter trois mois et au fil du temps, d’autres propositions arrivaient, de plus en plus grosses, ce qui nous a encore incité à attendre.
La taille des labels qui se sont intéressés à vous à grimpé jusqu’où ?
Bah tous, mais surtout en France. Pas à l’international. Il y a eu Because, Polydor, Barclay, EMI, Pias, Cooperative Musique.
Rien d’anglais ?
Rien. Que en France. Mais là on va partir en Angleterre pour faire des dates et rencontrer des gens. On fait même une tournée dans le Nord à partir de janvier : Londres, Brighton, Manchester. Ensuite on finit de mixer l’album en Belgique dans un gros studio.
L’album sort quand ?
Là on l’a pratiquement fini. On le mixe en janvier. Maintenant on est censés trouver des deals, s’arranger avec différents mecs donc le temps que les deals se fassent, on espère au printemps. D’ici Avril-Mai environ…
Pourquoi, alors que vous attendiez des gros labels et qu’ils sont finalement venu toquer, vous n’avez pas signé avec eux ?
Notre expérience d’avoir fait un EP dans un petit label (Third Side) nous a permis de comprendre les dessous de l’industrie et du business. Le voyage aux Etats-Unis nous a aussi permis de réaliser que maintenant tu peux faire les trucs toi même sans passer par des mecs qui te prennent la moitié de ton pognon. Par exemple, on a rien touché pour notre EP parce qu’il fallait rembourser les frais d’enregistrement, les frais de disques. On a juste choppé 200 vinyles qu’on a vendus et les petites synchros qu’on a fait nous ont remboursé d’autres frais. On veut garder nos droits d’édition et pour ça on va créer une Licence et une boite d’édition. D’ailleurs, on veut faire une boite qui s’appelle « Pointu ». Pointu Booking ou Pointu Record pour que ça fasse « Les Disques Pointus » !
Mais tu vois, il y’a un truc qu’on veut montrer par notre démarche… Je ne sais pas comment expliquer… Faire les Robins des Bois en quelque sorte, arrêtez tous les délires que c’est les « fils de » qui réussissent. Remettre du respect dans tout ça. Et de l’amour aussi.
En parlant de Robins des bois, vous prenez combien pour les concerts ?
Bah c’est à la gueule du client franchement. Y’a des trucs qu’on fait à la cool quand on voit que les gens sont cools et quand on voit que ça a de la thune (marques, soirées privées), on hésite pas. C’est déjà allé jusqu’à 5000€ mais en moyenne on tourne à 1500€.
Vous avez l’impression d’être à donf ?
Il y’a des moments où je culpabilise, mais en soit je sens que on est tous à donf. C’est aussi parce qu’en ce moment on est submergés par des trucs administratifs. On fait plus d’administration que de musique ! Toute la journée on est sur les ordis à répondre à des mails, c’est chiant. C’est aussi parce qu’on fume des pètes, ça nous ralentit et on est obligé de déléguer.
Ca y’est ? Vous êtes passé à la délégation ?!
Mais ouais, on n'en peut plus !
Est ce que vous vous imaginez sans weed ?
C’est mon rêve que ca marche, mais en même temps on kiffe trop ca. C’est comme dans les 60’s, t’es un hippie. Le problème c’est qu’on fume du matin au soir. Y’a des fois où l’on sent qu’on devient con, ca te paralyse, ca te ralentit.
Après on n'est pas passés aux drogues dures. On sait que dans ce milieu la coke tourne partout. Si on commence à se poudrer, comme on fume, on est mal barrés.
Marlon : Une fois aux Etats-Unis, y’a un mec qui m’a offert un rail de coke sur mon clavier pendant que je jouais. Du coup je l’ai pris sinon je sentais que ca allait être une offense.
D’ailleurs, on met combien de grammes dans un pète ?
0,3 gramme. Mais c’est pour un bon pète, un familial.
Dans celui là y’a combien ?
Là je pense qu’on est sur du 0,2 gramme. Ce qui représente en moyenne deux euros le pète.
L’album est fini d’enregistrer ?
Ouais pratiquement. On a enregistré dans plein de studios différents, tous gratuit, tous arrangé à l’amiable.
Les studios sont gratuits jusqu’à ce que vous ayez du fric ?
Non pas du tout. Par exemple pour le premier vrai enregistrement on a fait 3 semaines dans le studios de Quicksilver à Saint Jean de Luz. On a échangé des concerts gratuits contre studio. Ensuite Bot’Ox nous ont gentiment prêtés leur studios, puis Jackson nous a aidé et on a aussi enregistré dans notre cave.
Comment en êtes vous venus à faire la première partie des Birdy Nam Nam? L’association est bizarre.
Quand on a enregistré chez Jackson, eux étaient dans le studio d’à côté. On venait souvent, aux pauses on fumait ensemble, on leur faisait écouter nos trucs. Ils ont bien kiffé donc ils nous ont donc proposé de faire toute leur tournée avec eux. De notre côté, on avait déjà des dates, donc on n’a pas pu faire toutes les dates. On a finalement fait le Zénith de Paris et la Halle Tony Garnier de Lyon.
Réceptif le public de BNN ?
On était annoncés nulle part. A Lyon ca s’est mieux passé qu’à Paris, on a réussi à en faire danser pas mal. A Paris, les gens n'ont pas compris. C’était chaud, les gens n’étaient pas là pour nous…
C’est quel genre de mecs les Birdy ?
C’est des mecs qui viennent de la culture Hip-Hop, street, grapheur. Ca n’a rien à voir avec le milieu des dj branchés. Eux viennent des championnats de scratch. C’est beaucoup plus downtown. Ils sont à la cool, on a pas mal chillé dans leur loge. Ils ne se prennent pas la tête. C’était : « Ramenez vous dans nos loges, on a plein à boire. On va fumer des spliffs ». Ils sont pas entrain de dire « J’ai besoin de ci, de ça… »
C’était quoi votre meilleur concert ?
Je crois que c’est la deuxième Flèche d’Or qu’on a fait et celui aux Combustible à la rentrée 2011. C’était le bordel, nos synthés tombaient dans tous les sens ! Niveau son c’était de la merde, comme à la Flèche d’Or d’ailleurs, mais les gens, l’atmosphère, l’énergie et la magie qu’il y avait dans la salle c’était ouf. La Flèche d’Or quand on est revenus des Etats-Unis avec les trois chanteuses, tout le monde était chaud. Ce soir là, on a fait complet, d’un côté il y’avait tous les gens de l’industrie, labels, tourneurs et de l’autre que des jeunes qui voulaient se buter le crâne et foutaient le bordel.
Le concept d’un groupe global avec les cheveux teints, d'un concert spectacle vous est venu d’où ?
De plein de facteurs. Les shows qui nous ont le plus marqués étaient les trucs où il y’avait de l’activité et de la mise en scène. Les lives de Kraftwerk sont juste oufs. Il faut que les gens rentrent dans un truc, qu’il y ait du spectacle, que ça soit vivant. Dès que j’allais voir des concerts, j’attendais que ça. Dès qu’on aura plus de maille, c’est vraiment un truc qu’on veut développer. Y’a aussi le fait que maintenant, il faut proposer autre chose, faut cartonner parce qu’il y a tellement de groupes. Tu peux facilement te péter la gueule. Les gens peuvent te tenir la main puis te cracher à la gueule du jour au lendemain donc il faut mettre le paquet.
C’est quoi la musique du futur ?
Elle est dans Star Wars.
Tous les Stars Wars en un week-end vous l’avez fait ?
Bien sur. Plus les bonus après ! Tu sais que y’a un nain dans R2D2 ?! Un jour pendant la pause repas, ils l’ont oublié dedans ! Mais le mieux c’est que ces films nous donnent des idées. C’est aussi notre source d’inspiration, on veut faire des films aussi, que ça parte en effets spéciaux.
Pourquoi ne réalisez vous pas plus de clips ?
Parce qu’on est bien trop occupés avec d’autres trucs, qu’on ne peut pas les faire.
On compte réaliser un clip pour Paris 2012 où l’idée serait une sorte de guerre de gangs/guerre civile à la sauce du film Wanderers de Phillip Kaufman où chaque gang aurait ses propres codes, leurs vestes, avec de la baston, des meufs et du son. Un truc facile, compréhensible, cash. On est en train de faire le story board. Ca va donner un truc mi-réaliste, mi-fiction où l’époque est difficile à situer.
Qui seront les gangs ?
On a pensé aux mecs du Collectif Pain Surprises, à nos potes du groupe Planète, aux mecs d’Inchallah Record qui bougent pas mal, un label indé qui fait du garage, et il y’aura peut-être un clin d’œil au clip Stress de Justice aussi…
Vous avez pris l’habitude de vous faire censurer…
Bah c’est normal, sur I-Tunes ils ne veulent pas une chatte sur une pochette. D’ailleurs on a eu des problèmes avec cette pochette parce c’était contre la religion du fabricant de vinyles. Du coup, il a refusé de les faire et on a du faire appel à un imprimeur qui nous a couté plus cher.
Vous allez signer chez qui ? Encore faut-il que vous signiez chez quelqu’un…
Bah on ne sait pas. On va faire des appels d’offres. On va relancer le débat. On est entrain de tous les rencontrer et on veut faire des licences. On ne va pas signer signer mais faire des licences.
Ok. C’est l’heure des influences. Je vous fais écouter du son et vous me dites ce que vous en pensez.
France Gall : C’est la période Yéyé. Elle est cool cette chanson. C’est une structure de type mi-mineur/do. Nan je déconne. Ca fait partie de nos influences. On valide.
Taxi Girl : Ahah. C’est Kraftwerk ?
Non Taxi Girl.
Taxi Girl, c’est pas ce qu’on kiffe le plus. Nous on est plutôt Marie Et les Garçons. On les a repris eux d’ailleurs. Faire des reprises on kiffe. On voulait faire un ep de reprises avec des trucs totalement incongrus. Dans le sens où on aime la chanson mais pas la façon dont elle a été produite donc on la refait à notre manière
Pour résumer, c’est quoi les influences de La Femme ?
Exactement ce que vous nous avez fait écouter. Les 60’s françaises et le début électro des années 70, début 80 avec les groupes français synthétiques.
Et d’aujourd’hui rien?
Aujourd’hui y’a des artistes qu’on kiffe mais c’est seulement certains morceaux et pas l’ensemble de leurs productions. En France, y’a Mustang, Justice et Birdy Nam Nam mais on est à bloc derrière aucun d’entre eux. En Californie, y’a les Growlers.
Vous vous placez comme le reflet d’une génération ?
Bien sur, on est la génération des années 10 ! Dans 30 ans, les gens se diront : « Dans les années 10, t’avais La Femme ! ».
Dans notre état d’esprit du futur, la façon dont on envisage la suite est d’ouvrir un énorme entrepôt, faire des collaborations avec tel artiste de telle ville, rencontrer tout le monde. Là on joue dans toutes les villes donc ça nous permet de rencontrer tous les jeunes qui se bougent le cul. Tu vois qu’il y a plein de trucs donc faire une espèce de plateforme où ramener tout le monde serait cool.
Le 2012 de Paris 2012, c’est juste le nom de l’année?
C’est le délire de l’année. Le morceau Paris 2012, ça tabasse, ça sonne l’apocalypse. Attention bordel. C’est ce qu’on nous a prédit !
On crève de quoi ?
Attentats, guerres civiles et catastrophes naturelles. La totale…
Propos recueillis par Pains Surprises pour Betc Music