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Petites réflexions sur l’immaturité

Publié le 07 mars 2008 par Chondre

Je confiais récemment à -Nico- que j’avais l’impression d’être entouré de personnes bien plus avancées dans la vie et bien plus matures que je ne pouvais l’être à leur âge. Beaucoup ont moins de trente ans et sont déjà solidement installés. Ils ne sont plus étudiants, vivent en couple, ont des enfants ou possèdent leur appartement. Encore aujourd’hui, je n’ai pas l’impression d’avoir les obligations qu’un adulte devrait normalement avoir. Certainement parce que ma vie est un long fleuve tranquille. Certainement parce que j’ai eu la chance de faire les bonnes rencontres au bon moment. Certainement parce que, encore aujourd’hui, je ne suis qu’un étudiant attardé qui s’amuse d’un rien et passe son temps à chahuter avec ses amis ou ses camarades de travail.

Ce constat est assez étrange car j’ai été rapidement indépendant. Après avoir été choyé par une armada de nourrices jusqu’à ma dixième année, je me suis rapidement pris en charge en entrant au collège. Ma mère quittait l’hôpital peu avant minuit et je devais donc organiser mes soirées sans être cadré par un quelconque adulte. Plusieurs options s’offraient à moi. Je me suis vite transformé en enfant rêveur, plus intéressé par la vie imaginaire qu’il se créait avec ses Legos que par les cours dispensés à l’école. Ayant certaines facilités à apprendre, le navire n’a pas instantanément coulé. Ce n’est qu’au Lycée que j’ai amèrement regretté les années à bayer aux corneilles. L’absence de véritable tuteur m’avait transformé en garçon médiocre. Côté physique, j’avais acquis un profil adipeux a force d’ingurgiter tout et n’importe quoi en soirée. J’étais gros, moche et con. Mon papa ne se gênait pas de me le rappeler.

J’allais heureusement rencontrer en pharmacie une poignée d’amis fidèles qui partagent toujours ma vie. Snooze en faisait bien évidemment partie. Je n’étais toujours pas indépendant. J’habitais toujours chez ma mère. Nous partagions l’appartement, chacun de notre côté. Mes études ne me permettaient pas d’avoir un travail annexe et je n’ai jamais considéré comme concevable de demander à ma mère de me payer un appartement sur Paris pour ne plus dépendre directement d’elle. Ce n’est qu’au beau milieu de mon doctorat que je me suis installé boulevard de Picpus. J’avais décroché une allocation de recherche. L’état me versait royalement un peu plus de 6000 balles et j’étais le roi du pétrole.

Je n’allais certainement pas grandir pendant ma thèse. J’étais entouré d’une bande de chercheurs fous de tous les âges, et surtout plus immatures et attachants les uns que les autres. Côté cœur, je partageais depuis quelques années ma vie avec Snooze. Notre relation était compliquée. S’il était sorti du placard, je n’étais pas prêt de mon côté et je suis resté officiellement célibataire pendant de longues années. Notre relation est cependant exceptionnelle. Nous sommes ensemble depuis plus de quinze années, sans tricherie, partage ni tromperie. C’est mon ami, mon confident et mon meilleur mari.

Je n’ai jamais été confronté au dur marché du travail. Avant de soutenir ma thèse, on m’a proposé un poste en or. J’ai donc véritablement commence à travailler à vingt-neuf ans. Même si j’ai traversé des périodes difficiles et stressantes, je n’ai curieusement toujours pas l’impression de travailler. Je continue à me rendre à la Faculté, à passer des diplômes qui ne me serviront jamais, et mes camarades sont tous plus ou moins déjantés. Nous sommes très complices et passons notre temps à nous poiler et à nous taquiner, certainement pour nous protéger et nous détacher le plus possible de maladies le plus souvent incurables qui partagent notre quotidien. En résumé, je m’amuse et je reçois en prime un salaire à la fin du mois.

Notre condition de pédés stériles nous affranchit également de certaines responsabilités, même si notre quotidien à de facto été modifié depuis l’acquisition de notre appartement. Il paraît évident que devenir parent est un formidable accélérateur de vie et d’émotions. En attendant de changer les couches, Snooze passe toujours son temps libre à sortir ou à jouer, et moi à m’amuser ou à rêver. Nous continuons à vivre au jour le jour sans nous poser de question. Je suis intimement convaincu qu’à trop réfléchir, la vie devient rapidement un enfer. Alors oui, continuer sans faire de plan et apprécier les bonnes surprises de l’existence, c’est peut-être ça la cause de ma prétendue immaturité.


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