La campagne des primaires est "partie pour rester", comme le dit le proverbe franc-comtois. Malgré ses trois victoires de mardi (Ohio, Texas et Rhode Island), Hillary Clinton est loin d'avoir comblé son retard en terme de délégués (1227 contre 1366 pour Barack Obama d'après MSNBC). Ses gains du 4 mars paraissent peu clairs: quand certains blogs la créditent de 15 délégués d'avance (sur les 370 mis en jeu), David Plouffe (directeur de campagne d'Obama) parle lui de 4 délégués, et Slate ne lui accorde qu'un seul délégué.
En effet, si sa victoire dans l'Ohio ne souffre d'aucune contestation (54% contre 44%), ses succès dans l'État du Texas se révèlent illusoires: en raison de la complexité du système électoral et grâce au caucus tenu dans la soirée, Barack Obama aurait en fait empoché la majorité des délégués (et ce malgré sa défaite lors de la primaire). Comme nous le pensions le soir du 4 mars n'ont pas affaibli Obama, arithmétiquement du moins. La situation d'Hillary Clinton ne nous semble à long terme guère tenable.
Les superdélégués joueront donc un rôle crucial, on le sait. Mais les préoccupations actuelles des dirigeants du Parti Démocrate, et en particulier d'Howard Dean, son président, sont ailleurs: que faire de la Floride et du Michigan?
La législature de ces deux États (une législature républicaine dans le cas de la Floride) avait décidé d'avancer unilatéralement la date de leurs primaires, fort d'un argument imparable: l'Iowa et le Rhode Island (par tradition le premier caucus et la première primaire) ne sont ni fortement peuplés, ni représentatifs des États-Unis dans leur diversité, et bénéficient d'une publicité injustement méritée. Ce qui, il faut bien l'avouer, n'est pas tout à fait faut. Mais voilà, la tradition, c'est la tradition, et les autres États, furieux, ont crié vengeance. Ils ont obtenu du DNC (Democratic National Council) que ni la Floride, ni le Michigan, ne puissent siéger de délégués lors de la Convention démocrate de Denver en août; et que les prétendants à la nomination n'y fassent pas campagne.
Qu'à cela ne tienne, des primaires ont tout de même été organisées, remportées dans les deux cas par Hillary Clinton, et marquées par une participation non négligeable (deux millions d'électeurs).
A l'époque, ces élections n'avaient guère fait de vague. Mais dans le contexte actuel, qu'en faire ?
Barack Obama a une réponse, toute simple : ne rien changer. Solution peu réalistes: le Parti Démocrate peut-il se permettre d'ignorer deux États parmi les plus peuplés de l'Union, dont un (la Floride) qui a par le passé décidé d'une élection présidentielle (en 2000) ? Peut-il se permettre de s'aliéner ses électeurs, cruciaux en novembre prochain ?
Autre solution, siéger les délégués issus de ces deux primaires fantômes comme si de rien n'était. C'est, évidemment, la solution Clinton. Là encore, un problème émerge: peut-on pénaliser Obama, qui n'y a pas fait campagne et dont le nom ne figurait même pas sur les bulletins de vote au Michigan ? Les supporters d'Obama (et les journalistes) crieraient au déni de démocratie et le parti démocrate risquerait de sortir divisé et aigri de l'affaire.
Troisième idée, plus plausible, un nouveau vote. Les rumeurs veulent que la Floride aimerait organiser une primaire et le Michigan pencherait en faveur d'un caucus. Hillary s'y oppose, elle qui n'en a gagné qu'un seul (le Nevada). Autre hic, Howard Dean a annoncé que la Floride allait devoir payer elle-même pour ses élections.
Enfin, le DNC pourrait tout simplement annoncer que les délégués de la Floride et du Michigan seront bien autorisés à siéger à Denver, mais qu'ils seront divisés proportionnellement, en fonction du vote populaire dans le reste des États-Unis. Une solution simple voire simpliste, mais qui aurait le mérite de dénouer le nœud gordien de la division.
Le sujet est complexe, et les enjeux explosifs, rien de moins qu'un éclatement (temporaire mais tout de même) du parti et qu'une défaite en novembre. Le pauvre Howard Dean doit bien regretter d'avoir accepté la présidence...
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