Grands prématurés : une survie au prix de séquelles

Publié le 07 mars 2008 par Willy

Grands prématurés : une survie au prix de séquelles

Par ÉRIC FAVEREAU - http://www.liberation.fr/

C’est la grande inquiétude qui court dans les services de néonatalogie : réanimer, certes, les grands prématurés, mais pour quelle vie à venir, avec quels handicaps éventuels ? Quel est, en somme, leur avenir ? Une question d’autant plus redoutable que certains services de réanimation se sont lancés dans des courses à l’exploit, réanimant des bébés de moins de 24 semaines, pesant à peine quelques centaines de grammes.

«Défi».D’où l’intérêt majeur de l’étude publiée aujourd’hui dans la grande revue médicale The Lancet, réalisé e sur plus de 10 000 grands prématurés nés en France. Avec un recul de plus de cinq ans, ce travail est un des plus importants jamais réalisés. Et il se révèle inquiétant, établissant un lien clair entre la survenue d’un handicap et l’importance de la prématurité. «A l’âge de 5 ans, nous explique Béatrice Larroque, épidémiologiste à l’Inserm et coordonnatrice de l’étude, près de 40 % des anciens grands prématurés présentent des troubles moteurs, sensoriels ou cognitifs (1). Un tiers requièrent encore à 5 ans une prise en charge médicale ou paramédicale spécialisée, dont 42 % de ceux nés entre 24 et 28 semaines de grossesse.» Bref, un taux relativement important, qui soulève «un réel défi pour la médecine périnatale actuelle».

Aujourd’hui, on parle, dans les pays européens, de 1,1 % à 1,6 % de grands prématurés, c’est-à-dire nés avant la fin du septième mois de grossesse ou avant 33 semaines de grossesse révolues. Et ce taux est en légère augmentation, en partie en raison d’une hausse des grossesses multiples, dues souvent à des traitements contre l’infertilité, et à des grossesses plus tardives.

Premier constat : les nets progrès dans la prise en charge. La mortalité a beaucoup baissé : 85 % de survie à moins de 33 semaines. Et ce taux continue de progresser. Ensuite, l’étude a travaillé sur les enfants, entre la sortie de l’hôpital et l’âge de 5 ans. Les chercheurs ont établi des contacts avec les familles «afin de recueillir des informations sur la santé et le développement de l’enfant». Ils ont revu ces familles deux mois après la sortie de l’hôpital, puis aux âges de 9 mois, d’1 an, 2 ans, 3 et 4 ans.

Scolarisation. Au final, ce sont donc presque 40 % de ces anciens grands prématurés qui présentent une déficience motrice, sensorielle ou cognitive. Avec des situations, parfois très lourdes : un tiers de ces enfants ne marchent pas ou marchent seulement avec une aide. 32 % ont obtenu un score de capacités cognitives inférieur à la moyenne. «Les difficultés cognitives des grands prématurés risquent de les exposer à des troubles de l’apprentissage lors de leur scolarisation.» Et surtout, ce constat : «Les taux de déficience sont d’autant plus élevés que les enfants sont nés plus prématurément, tant pour les déficiences motrices que pour les déficiences visuelles ou cognitives. Ainsi, 18 % des enfants nés à 24-26 semaines de grossesse présentent une paralysie cérébrale à 5 ans, contre 12 % de ceux nés à 29 semaines et 4 % de ceux nés à 32 semaines.» «On voit, au final, que quelle que soit la situation clinique de l’enfant à la naissance, et quelles que soient aussi les raisons de cette prématurité, le principal facteur de risque est lié à l’ampleur de cette prématurité» , explique la chercheuse.

Ce que confirment d’autres travaux : les enfants nés à 24 semaines encourent des risques de séquelles encore plus élevés. Ce qui d’ailleurs conduit certaines équipes françaises à ne pas les réanimer. «Mais ce débat n’est pas tranché, d’autres équipes réaniment», note un expert.

(1) L’expression de «trouble cognitif» est le terme médical utilisé pour décrire la détérioration des processus mentaux de la mémoire, du jugement, de la compréhension et du raisonnement.