Cependant, on ne peut se satisfaire des chiffres du solde commercial pour conclure à la faible compétitivité des produits français ou du « made by France ». Autrement dit, il conviendrait probablement de distinguer la compétitivité des produits français dans un contexte de globalisation des processus de production, de la compétitivité du territoire France à travers les produits « made in France ».
Les statistiques sur les filiales d’entreprises (Outward Foreign Affiliate Statistics) nous apportent, sur ces questions, des renseignements très précieux (FATS). Outre qu’elle délivre un diagnostic sur l’internationalisation des firmes françaises et leurs performances, elles permettent également d’analyser l’efficacité des stratégies et des choix d’implantation et surtout d’en tirer des conclusions sur les retombées nationales des stratégies d’internationalisation des entreprises françaises.
La dernière enquête nous apprend justement qu’entre 2007 et 2009, crise oblige, les groupes français mondialisés ont vu leur chiffre d’affaires monde chuter de 2,7 %, alors que l’effectif et le nombre global de filiales implantées à l’étranger se sont tous deux accrus (respectivement +2,7 % et +4,9 %). Elle met, par ailleurs, en exergue :
• la forte domination des grands groupes dans les implantations de filiales de groupes français à l’étranger ;
• une concentration géographique des implantations, avec l’UE, et tout particulièrement les pays voisins, comme zone de prédilection des firmes françaises internationalisées ;
• une polarisation industrielle, quatre secteurs seulement concentrant la moitié du chiffre d’affaires réalisé à l’international par les entreprises françaises.
Dès lors, doit-on voir ici les explications aux faibles retombées nationales de l’internationalisation des entreprises françaises ? Sans doute oui et ce, pour plusieurs raisons.
Premièrement, en France, l’internationalisation reste une affaire de grands groupes mondiaux dont la stratégie est moins nationale que leurs voisines allemandes.
Deuxièmement, contrairement aux firmes allemandes, la rentabilité et les coûts apparaissent comme secondaires. La forte concentration géographique des implantations, grands pays de l’UE aujourd’hui et États-Unis dans le passé, confirme ce constat. Elle montre également qu’à travers leurs implantations dans ces pays matures, les firmes françaises visent, en priorité, le marché local de l’implantation et ne sont pas, contrairement aux firmes allemandes, dans une logique de fragmentation des chaînes de valeur et de baisse des coûts de production.
Troisièmement, alors que les entreprises françaises ont privilégié les implantations de long terme à l’étranger (délocalisation de l’ensemble des structures de production), les firmes allemandes préfèrent les relations commerciales, les alliances stratégiques et la fragmentation des chaînes de valeur.
Quatrièmement, selon plusieurs études, les investissements directs étrangers (IDE) sortants se traduisent par une amélioration du solde commercial du pays d’origine. Selon L. Fontagné et M. Pajot (1999), sur la période 1984-1994, chaque fois que la France investissait un dollar à l’étranger, cet IDE entraînait près de 55 centimes d’exportation et 24 centimes d’importation dans l’industrie considérée et vis-à-vis du partenaire considéré. Un constat peu évident si l’on en juge par les résultats du commerce extérieur français sur la décennie précédente.
Au total, et au-delà du satisfecit convenu des enquêteurs, sur les progrès en matière d’internationalisation des entreprises françaises, il existe une réalité commerciale-industrielle qui nous rappelle qu’au fond, les firmes françaises internationalisées ne sont pas de très bonnes ambassadrices du « made in France », de par leur forte concentration dans les zones à faible croissance économique et leurs stratégies organisationnelles.