Dans une intéressante réflexion sur le Financial Times du 1er février, Roula Khalaf pose la question –encore irrésolue– qui explique l’apparente cacophonie internationale sur la Syrie: « comment définir le changement de régime en Syrie? ».
La formulation publique partagée par la Ligue Arabe et les protagonistes les plus actifs dans ce dossier, comme la France ou les Etats-Unis, propose que le vice-présient syrien, Farouk al-Chareh, prenne le pas sur le président lui-même. Mais là s’arrête le concensus, et les interprétations diffèrent.
Pour certains, comme le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, cette formule implique que M. Bachar al-Assad cède la place. La diplomatie française s’est alignée en celà sur les proclamations faites notamment par le pays qui depuis le début du « Printemps arabe » joue un rôle majeur, le Qatar, richissime émirat pétrolier et gazier, protégé par les Etats-Unis. Doha, où règne pourtant sans partage la dynastie des Al Thani, s’est fait le défenseur enthousiaste des dynamiques démocratiques dans les pays d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient.
Pour d’autres, parmi lesquels le secrétaire général de la Ligue Arabe, il s’agit simplement pour le président syrien de déléguer ses pouvoirs à son vice-président pour conduire des réformes politiques. Nabil el-Araby l’a répété dans un entretien avec CNN: « nous n’avons pas demandé que le président se démette. Mais seulement qu’il transfère des pouvoirs au vice-président ». Des acteurs importants de ce dossier l’entendent de la même oreille, notamment la Russie, la Chine, des pays arabes comme l’Irak –qui a servir de laboratoire à un changement de régime par la force– , et bien sûr, l’Iran, allié stratégique de Damas depuis plus de 30 ans.
Farouk al Chareh est un homme de 74 ans qui a servi le régime syrien depuis ’un demi-siècle. Il est un fidèle de la famille Assad et est même considéré comme un membre de la « vielle garde », héritée du cercle des proches de Hafez el Assad, le père de l’actuel président. Voir en lui un homme du « changement » est sans doute une illusion. Est-il ainsi mis en avant parce qu’il est sunnite? Cherche-t-on ainsi à forcer le trait d’un conflit intérieur qui aurait ses origines dans la division sectaire du pays entre une majorité sunnite et une minotité allaouite, qui depuis trop longtemps aurait monopolisé le pouvoir?
Le risque de cette diplomatie incertaine –et de cette stratégie incertaine–, à l’égard de la Syrie, est que l’analyse faite par le pouvoir à Damas se voit renforcée. Le régime soutient que les violences dans le pays, au centre de l’échiquier moyen-oriental, sont le résultat de l’amplification par des pays arabes, notamment les monarchies pétrolières du Golfe, et occidentaux, de réelles fustrations économiques et politiques. En alimentant l’aspect sectaire de ces revendications, dans un pays qui s’est voulu laïc, cette manipulation fait courir à la Syrie le risque de sombrer dans une guerre civile où personne ne sera à l’abri, comme ce fut le cas au Liban de 1975 à 1990.
Une telle issue aurait toutefois l’avantage, aux yeux de capitales en Europe et en Amérique, de neutraliser pour longtemps un état qui a toujours voulu marquer son autonomie à l’égard des Etats-Unis, gendarme de la région, et son opposition à un réglemement avec Israël qui ne tiendrait pas compte des exigences des Arabes et des Palestiniens.
Le manque de cohérence dans les exigences internationales à l’égard de la Syrie reflètent