Atiq Rahimi vit la guerre d’Afghanistan de 1979 à 1984, puis il se réfugie au Pakistan.
Après avoir demandé l’asile politique à la France, accordé en 1984, il obtient son doctorat en audiovisuel à la Sorbonne.
En 1989, son frère, communiste, resté en Afghanistan, est assassiné, mais Atiq Rahimi n’apprend sa mort qu’un an plus tard2.
Son premier long-métrage, Terre et cendres, présenté dans la section « Un certain regard » au Festival de Cannes 2004, a obtenu le prix Regard vers l’avenir.
Contrairement à ses trois premiers romans écrits en persan, Syngué sabour. Pierre de patience est directement écrit en français : « Il me fallait une autre langue que la mienne pour parler des tabous. » Il est récompensé par le prix Goncourt le 10 novembre 2008. (source wikipedia)
4ème de couverture : « Cette pierre que tu poses devant toi… devant laquelle tu te lamentes sur tous tes malheurs, toutes tes misères… à qui tu confies tout ce que tu as sur le coeur et que tu n’oses pas révéler aux autres… Tu lui parles, tu lui parles. Et la pierre t’écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate. Elle tombe en miettes. Et ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines… Comment appelle-t-on cette pierre ? » En Afghanistan peut-être ou ailleurs, une femme veille son mari blessé. Au fond, ils ne se connaissent pas. Les heures et les jours passent tandis que la guerre approche. Et la langue de la femme se délie, tisse le récit d’une vie d’humiliations, dans l’espoir d’une possible rédemption.L’avis de Selkis-C@t :
Un cri ; une révolte, une femme mariée contre son gré à un « héros » combattant qu’elle ne connaitra que des années plus tard, la séquestration dans la famille du mari pour le respect des convenances ; la solitude et les frustrations qui en découlent, la souffrance et la révolte de chaque instant. Une enfance sous haute violence… Et puis ce mari, cet homme qui ne la traite pas comme une femme, « le héros de la résistance » est blessé. Une balle qui le couche à sa merci … cette femme va enfin pouvoir approcher son mari, lui parler, le toucher… Et là, toute la révolte va s’exprimer… toutes ses peurs cachées, ses espoirs, ses désillusions, ses craintes, ses humiliations… et comme il ne peut ni bouger ni parler, qu’il est totalement entre ses mains, mais qu’elle est certaine qu’il le comprend, elle va craquer, et régler ses comptes, avec violence. Il est mourant mais ce sont ses entrailles à elle qui sont à vif; elle se met à nu… de l’intérieur, de l’extérieur… elle dévoile son esprit, son corps, sa vie… avec lui, sans lui, avec les autres, avec sa souffrance à elle trop longtemps contenue. Avec le mensonge de la tradition aussi…
Alors oui ce petit livre est un coup de poing; il me fait penser à la révolte exprimée par Yasmina Khadra dans ses romans. C’est un livre qui prend aux tripes, sur le cri, sur le silence, la douleur, les rêves avortés, la virilité, la trahison, la condition de la femme en Afghanistan … C’est certainement la voix de centaines de femmes opprimées dans des pays de non liberté qui s’exprime… c’est une lutte…
L’auteur, dans une interview au « Monde.fr » du 12 novembre 2008 nous dit : « Donc pour moi, ma langue maternelle, le persan, est une langue avec laquelle j’ai connu le monde, j’ai connu mes tabous, j’ai connu mes interdits, mes limites. Donc j’avais une sorte d’autocensure en écrivant en persan. Alors que dans ma langue d’adoption, comme c’est une langue choisie, on a une certaine liberté pour s’exprimer, car il n’y a pas cette autocensure et cette pudeur inconsciente ancrée en nous depuis l’enfance. »
Je ne sais pas si l’écriture mérite le Goncourt… Mais si c’est la voie pour que la voix de la femme de l’ombre se fasse entendre… alors oui ce livre mérite le prix…
Syngué sabour, Pierre de patience – Atiq Rahimi. Éditions P.O.L.
Date de parution : 25/08/2008