La grande poète polonaise, lauréate du prix Nobel en 1999, vient de mourir, ce 1er février à Cravovie.
Ciel
Voilà par quoi on aurait dû commencer : le ciel
Fenêtre sans rebord, sans feuillure, sans vitres.
Ouverture et rien d’autre,
mais ouverte largement
Nul besoin d’attendre une nuit sans nuages,
ni de lever la tête
pour regarder le ciel.
Je l’ai derrière mon dos, sous ma main, mes paupières.
Le ciel m’enveloppe fermement,
me soulève.
Les montagnes les plus hautes
ne sont pas plus près du ciel
que les vallées les plus profondes.
Pas un endroit où il y en aurait davantage
que dans un autre endroit.
Un nuage est aussi lourdement
écrasé par le ciel qu’une tombe.
Une taupe n’est pas plus au septième
qu’un hibou qui agite ses ailes.
Une chose qui tombe dans le vide
tombe du ciel dans le ciel.
Fluides, liquides, rocheuses
enflammées et aériennes
étendues du ciel, miettes du ciel
ciel qui souffle et ciel qui s’entasse.
Le ciel est partout
jusqu’aux ténèbres sous la peau.
Je mange du ciel, j’évacue du ciel.
Je suis piégé piégé,
habitant habité,
embrasseur embrassé,
question en réponse à question.
Le diviser en Ciel et Terre
n’est pas la façon idoine
d’appréhender ce Tout.
Ça permet juste de survivre
à une adresse plus précise,
plus facile à trouver,
si jamais on me recherche.
Mes traits particuliers :
admiration et désespoir.
Wislawa Szymborska, De la Mort sans exagérer, traduit du polonais pas Piotr Kaminski, Poésie Fayard, 1996, pp. 108 et 109
Sur sa mort :
un article de l’Express, un autre du Point
et dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, extrait 3, extrait 4, extrait 5,