Au lendemain de la dispersion par la police de son rassemblement à Dakar, l'opposition sénégalaise a promis mercredi une «nouvelle stratégie» pour empêcher la candidature du chef de l'État Abdoulaye Wade à la présidentielle de février, dont le camp a pointé la faible mobilisation.
«Notre capacité de mobilisation n'a pas été démentie», a assuré le Mouvement du 23 juin (M23), coalition qui regroupe des représentants de l'opposition et de la société civile.
À l'appel du M23, des milliers de personnes s'étaient rassemblées mardi soir à Dakar pour exiger le retrait de la candidature à la présidentielle du 26 février de M. Wade, 85 ans dont 12 au pouvoir, candidature dont la validité a été confirmée le 29 janvier par le Conseil constitutionnel.
Le rassemblement sur la place de l'Obélisque a été dispersé par la police à coup de grenades lacrymogènes en début de soirée après des jets de pierre de jeunes manifestants. Un jeune homme a été tué lors de la dispersion, renversé par un véhicule de la police.
La situation était revenue à la normale mercredi matin dans le quartier, tandis que la capitale grouillait d'activité comme à l'habitude.
Alors que l'opposition n'a désormais plus aucun recours légal pour contester cette candidature, la manifestation de mardi s'annonçait donc comme un test de la rue décisif pour le M23.
«Nous avons atteint tous nos objectifs», a jugé un porte-parole de la coordination, Abdoul Aziz Diop. «Il y a eu reculade du gouvernement, (...) la place de l'Obélisque a été prise. Ensuite, nous avons relevé le test de la mobilisation», a-t-il estimé.
«C'était la manifestation la plus forte qu'on ait vue, les gens étaient très déterminés», a affirmé également Alioune Tine, autre responsable du M23 et figure de la société civile.
Pour autant, le raz-de-marée annoncé n'a pas eu lieu. Les manifestants étaient autour de 10 000, selon les observateurs indépendants. Loin du «Printemps sénégalais» promis par le M23, en référence aux révolutions du «Printemps arabe».
Affrontements entre étudiants et forces de l'ordre
Des affrontements opposaient mercredi sur le campus de l'Université publique à Dakar les forces de l'ordre à des étudiants protestant contre la mort la veille d'un des leurs lors de la dispersion d'un rassemblement de l'opposition par la police, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les incidents ont éclaté lorsqu'un groupe d'étudiants de l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) a voulu sortir du campus pour aller assister dans un hôpital voisin à la levée du corps du manifestant tué, étudiant en Lettres modernes.
Il est décédé des suites de ses blessures après avoir été renversé par un véhicule lors de la dispersion du rassemblement des opposants à la candidature du chef de l'État sénégalais Abdoulaye Wade à la présidentielle de février.
Les affrontements, jets de pierre contre gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc, se poursuivaient dans l'après-midi.
Quelques dizaines de policiers déployés à deux sorties du campus tentaient de disperser de petits groupes d'étudiants qui les harcelaient de pierres à partir de bâtiments du campus.
Comité de crise
Dès les premiers tirs de lacrymogènes provenant d'à peine 200 policiers, les protestataires se sont égaillés dans les rues adjacentes, oubliant aussi vite leurs menaces lancées quelques instants plus tôt de «marcher» sur le palais présidentiel.
La présidence a ainsi immédiatement pointé une faible mobilisation: «si treize candidats soutenus par près de 70 partis politiques et organisations de la société civile n'ont réussi à mobiliser que 2500 personnes, cela prouve qu'Abdoulaye Wade est largement majoritaire et que le peuple sénégalais refuse l'aventure».
Le M23 devait réunir mercredi «un comité de crise» pour évaluer la suite à donner à la manifestation.
Mais certains de ses responsables reconnaissent désormais ouvertement la faiblesse intrinsèque du mouvement, coalition hétéroclite d'associations citoyennes, souvent jusqu'au-boutistes contre Wade, et de partis politiques plutôt soucieux de protéger leurs propres intérêts.
Face à «la répression du gouvernement», le M23 va «désormais devoir développer une nouvelle stratégie», selon son porte-parole.
Des organisations locales de défense des droits de l'homme ont condamné les «violences» de la police, affirmant que le manifestant tué avait été «délibérément» écrasé par un camion de police.
Avec ce décès, ce sont donc quatre personnes, dont un policier, qui ont été tuées en quatre jours au Sénégal dans des violences liées aux tensions politiques à l'approche de la présidentielle.
Ces violences avaient éclaté le 27 janvier à Dakar et dans d'autres villes à l'annonce de la validation de la candidature Wade.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit «préoccupé par la montée des tensions», soulignant «la nécessité pour les autorités d'agir de manière à préserver et à consolider les traditions démocratiques» du pays.
Le Sénégal est ouvert aux conseils «mais n'acceptera pas de diktat» de l'étranger, a prévenu le ministre des Affaires étrangères Madické Niang, après des déclarations de responsables américains et français sur le sujet, Washington et Paris invitant notamment M. Wade à «laisser la place à la prochaine génération».
«Le vote (du 26 février) ne se fera ni aux États-Unis, ni en France, ni ailleurs», mais au Sénégal, a souligné M. Niang, pour qui le Sénégal est un «pays souverain» qui «n'a de leçon de démocratie à recevoir de personne».
Source : Cyberpresse