L'ACTA est un traité international de lutte contre la piraterie sur Internet (cf. wikipedia).
C'est assez complexe comme sujet mais cet article de la Quadrature du net montre assez bien que le texte incitera les fournisseurs d'accès Internet à rendre inaccessible certains sites, sur simple demande par des parties privées, hors contrôle d'un juge.
Les gens de la Quadrature du net soulignent que la Commission européenne a menti sur les avantages supposés de ce texte.
Et Kader Arif, député européen du PS, a démissionné de sa fonction de rapporteur au Parlement fantoche européen pour protester contre l'absence de prise en compte du Parlement dans le processus de décision.
Là, le partisan de l'Union européenne moyen trouvera que c'est bien la preuve qu'il faut renforcer les pouvoirs du Parlement européen, pour rendre enfin démocratique ce bazar infâme qu'est l'Union.
Pas de bol, en plus d'avoir un Parlement européen qui aurait des pouvoirs il faudra que celui-ci soit de gauche, car la droite européenne a voulu l'ACTA. Selon Arif : "En tant que rapporteur sur ce texte, j'ai également fait face à des manœuvres inédites de la droite de ce Parlement pour imposer un calendrier accéléré visant à faire passer l'accord au plus vite avant que l'opinion publique ne soit alertée, privant de fait le Parlement européen de son droit d'expression et des outils à sa disposition pour porter les revendications légitimes des citoyens".
Le démocrate finit par penser que c'est bien fait pour sa gueule, à l'européiste moyen.
Que croit-il enfin ? Que l'Union est capable de faire avaler le Traité de Lisbonne à des pays comme la France, l'Irlande ou les Pays-Bas, qui se sont exprimés contre, et qu'elle va s'effrayer d'un Parlement élu avec un taux d'abstention à la hauteur de l'absence de considération que portent les européens aux affaires européennes ?
Les choses se passent exactement comme l'indique François Asselineau dans la plupart de ses conférences (notamment ici): dans cette affaire, comme dans cent autres, l'Union européenne ne sert qu'à faire adopter sur le continent, des textes décidés aux Etats-Unis. Et son déficit démocratique n'est pas un accident, c'est un défaut voulu qui la rend parfaitement perméable à tous les intérêts constitués.
il y a d'ailleurs dans ACTA une sorte de fascinante mise en abyme. En effet, de la même façon que les législations européennes contournent l'expression des peuples et du propre Parlement européen, la législation ACTA prévoit de confier des pouvoirs de régulation à un "comité ACTA" qui contournerait l'Union européenne elle-même. Ce qu'en dit la Quadrature du Net (en anglais uniquement) :
"In the future, ACTA's scope could also be easily expanded through the “ACTA committee”. The latter will have authority to interpret and modify the agreement after it has been ratified, and propose amendments. Such a parallel legislative process, which amounts to signing a blank check to the ACTA negotiators, would create a precedent to durably bypassing parliaments in crucial policy-making, and is unacceptable in a democracy. This alone should justify that ACTA be rejected." (texte de la Quadrature du Net démontant les arguments de la Commission européenne)
Le simple fait que la législation ACTA peut par la suite se développer de façon autonome suffit, selon la Quadrature du Net, à invalider l'ACTA elle-même. Avec deux pas de recul, on comprend qu'il en va de même avec l'union euroépenne : le seul fait qu'elle permette de laisser passer de tels textes devrait suffire à comprendre le danger de l'organisme lui-même.
L'Union européenne, comme l'ACTA, sert à cela : rendre ineffective l'opinion des populations.
Les Pirates du Net, au moment de la loi Hadopi (encore une déclinaison au niveau national d'une cochonnerie élaborée au niveau européen), avaient appelé à en passer par plus d'Europe pour lutter contre Hadopi. J'avais déjà souligné la grande naiveté de leur démarche.
Le démocrate, forcément opposé à l'Union européenne, sait parfaitement que l'ACTA ne serait JAMAIS passée dans un cadre national. Même avec une majorité de droite au Parlement, la démocratie en France est encore suffisamment vivante pour rejeter après examen un texte aussi manifestement contraire aux principes républicains.
C'est d'ailleurs l'avis d'un député socialiste européen, Stavros Lambrinidis : "ACTA is legislation laundering on an international level of what would be very difficult to get through most Parliaments" (ACTA est une tentative de blanchiment au niveau international d'un texte qu'il serait très difficile de faire adopter par n'importe quel Parlement ; texte sur StopActa.info).
Et même si d'aventure une majorité avait été capable de l'imposer au niveau national, une autre pourrait le défaire. Alors que la Commission est si puissante au niveau de l'Union européenne qu'elle pourra bloquer toute remise en cause future de l'ACTA.
Et même si un pays de l'Union adoptait l'ACTA, dans le cadre de procédures nationales, donc démocratiques, cela ne contraindrait pas les 26 autres à l'adopter. En offrant un guichet unique aux lobbies économiques, l'Union européenne décuple l'efficacité du lobbying à Bruxelles - c'était l'un des arguments soulignés d'un point de vue théorique par Jean-Jacques Rosa, et illustré en pratique par le livre de Florence Autret, l'Amérique à Bruxelles
Le démocrate qui s'est déjà fait baffer après l'adoption forcée du traité de Lisbonne sait que l'Union européenne est une machine à prendre des décisions iniques contre l'avis des populations.
Le partisan d'une Europe alter, plus sociale, plus verte, plus démocratique ou quoi peut être tenté de monter au créneau et perdre son énergie à luttre contre ACTA en implorant la bienveillance des autorités européennes. Il ferait mieux de considérer cela comme un avertissement sans (trop de) frais et de prendre en compte l'ensemble du paysage institutionnel : l'Union européenne ne sert à rien d'utile, virgule, elle est inutile, virgule, elle est irréformable, point. La seule question utile à son sujet est de savoir comment l'on en sort.