Dès le titre d’entrée, “Le Trucifier”, c’est la grosse claque. En quelques mesures, on commence déjà à comprendre dans quoi on est en train de mettre les oreilles. Nos neurones s’agitent et résument simplement les sentiments qui nous traversent : Julien Sagot est fou, Julien Sagot est bon, Julien Sagot est grand.
Piano Mal fait un bien fou.
Déroutante et riche, la production est vivante, aérée, rugueuse. Et terriblement belle : un son superbe, qui laisse place aux fantômes de la Frette (le studio-maison dans lequel a en grande partie été enregistré cet album). Julien Sagot s’octroie toutes les libertés avec une évidence désarmante et toujours juste. Et cette voix ! Rauque et douce, saturée souvent, elle nous donne à entendre un Julien comme on le connait : profond, souriant, doux, sérieux, drôle, urgent, pertinent, serein, chaleureux, bouillonnant, curieux… ”Piano Mal”, “Qui”, “Palissade” laissent entendre des inflexions Guidoniennes dans la voix (rappelez-vous le magnifique Trapèze enregistré avec Edith Fambuena). Une diction discrète et profonde qui chante comme elle parle, sans circonvolutions outrancières, sans manières mais avec une force naturelle du plus bel effet. On se laisse perdre, dérouter, puis on se fait saisir par le délirant “Une vieille taupe”, avant de trébucher sur ”Le temps des vendanges”, qu’on écouterait à s’en faire péter les tympans tellement l’affaire tourne folle – Ce son de guitare !!!! Ca sent la Silvertone, l’Harmony ou quelque chose du genre, un vrai bonheur. Les très recommandables Simon Angell (Patrick Watson, Thus:Owls) et Leif Vollebekk sont de la partie et ça s’entend… “Château Rouge”, “Février” et “Les champs de coton” nous emmènent par des chemins de traverses sinueux vers le final “SOS Panda”, paysage prog parfait, qui à lui tout seul justifierait de trouver le Québec digne d’intérêt (mais, loin s’en faut, ce n’est pas la seule raison…).
Ne cédant jamais à la facilité, n’évoquant que de très loin Karkwa (dont il est l’indispensable percussionniste), Julien Sagot tient ici son monde en haleine avec sérénité et élégance. Les arrangements ne font aucune concession, les choeurs sont toujours inattendus, les parti-pris esthétiques surprennent à chaque instant. En somme : cet album est excellent.
C’est décidé : Piano Mal est à partir de maintenant mon album de l’hiver 2011-2012. Je n’en démordrai pas.
[+]