Depuis la mise en place des 35 heures, le débat sur le temps de travail réel des Français est perturbé par de
nombreuses confusions.
1. La durée hebdomadaire et annuelle dans la moyenne
Le problème vient de la multiplicité des statistiques.
On dispose de deux types de données: les durées de travail par semaine et les durées par année.
Chacune peut s’appliquer à trois "publics" distincts: l’ensemble des salariés à temps plein, l’ensemble des
salariés (on ajoute les temps partiels) ou l’ensemble des actifs employés (on ajoute les professions libérales, les artisans, etc…).
Selon les statistiques utilisées, les conclusions sont différentes. Il est tout de même possible d’y voir
clair.
Si l’on s’intéresse à la durée de travail hebdomadaire des seuls salariés à temps plein, on constate qu’ils
travaillent moins en France (38 h en France contre 39,3 h dans la Zone euro, et 40,5 h en Allemagne ou au Royaume-Uni).
Durée de travail hebdomadaire des salariés à temps plein, statistiques Eurostat.
C’est le chiffre utilisé pour dire qu' "en France, on travaille moins qu’en Allemagne". La loi sur les 35
heures a effectivement fait légèrement baisser le temps de travail des salariés à temps plein.
Mais ces chiffres ne disent pas tout. Ils ont notamment deux gros défauts :
- Tous les pays n’ont pas le même nombre de jours de congés ou de jours fériés dans l’année. La durée annuelle du travail apparaît comme une mesure plus adaptée aux comparaisons.
- Tous les pays n’ont pas la même "structure" du marché du travail. Certains ont beaucoup développé le temps partiel, d’autres moins.
Cela joue considérablement sur les durées de travail moyennes. Si l’on prend la statistique la plus
pertinente (les durées annuelles) et la population la plus large (tous les actifs occupés), on découvre qu’on travaille en moyenne 1 554 h en France en 2009, soit 164 heures de plus qu’en
Allemagne (1 390 heures). Les pays Scandinaves ont également des durées annuelles inférieures.
Heures moyennes annuelles ouvrées par travailleur, statistiques de l'OCDE.
2. Plus de temps complets que les autres
Il n’y a pas de mystère. L’économie française n’emploie qu’un travailleur sur six à temps partiel, contre
plus d’un sur quatre chez ses principaux voisins : Allemagne, Royaume-Uni, Danemark, Suède ou Pays-Bas.
Pourcentage de temps partiels dans la population active, statistiques Eurostat.
Par ailleurs, la durée moyenne d’un temps partiel est plus longueen France (22,5 h) que dans la Zone euro (20
h), en Allemagne (18,3 h) ou au Royaume-Uni (18,5 h).
Voilà pourquoi, même après les 35 heures, les Français travaillent plus que les Allemands.
3. Deux modèles de partage du temps de travail
C’est le consensus social et politique en France qui a conduit à une sorte de préférence pour les temps
pleins, et donc les revenus complets. La contrepartie de ce modèle est un niveau de chômage plus élevé que la moyenne.
Dans les pays du Nord, en Allemagne et au Royaume-Uni, c’est le nombre d’emplois qui est privilégié.
Schématiquement, leur modèle de partage du travail s’effectue en trois quarts de temps pleins et un quart de mi-temps, avec pour conséquence des petits salaires plus nombreux.
par Frédéric Allary