Philippe Saint-André le nouvel homme fort du XV de France
En nommant Philippe Saint-André à la tête du XV de France, Pierre Camou, le président de la FFR, espère en terminer avec douze saisons marquées par les excès et les polémiques. De 1999 à 2007, Bernard Laporte avait confisqué la lumière avec ses emportements et ses mots crus. Choisi pour sa mesure, son successeur, Marc Lièvremont, a péché par naïveté, n’hésitant jamais à confier publiquement ses attentes un peu folles puis ses violentes déceptions. Le premier n’avait pas porté le maillot bleu mais mené le Stade Français au titre de champion de France. Le second, 25 sélections comme joueur, n’avait qu’une très mince expérience d’entraîneur. «PSA», lui, n’a pas de trou dans son CV: 69 sélections (dont 34 comme capitaine) et douze saisons comme manager (Gloucester, Bourgoin, Sale, Toulon)…
Le patient anglais
Saint-André a débuté sa carrière d’entraîneur en Angleterre. Un défi pour le Drômois qui, deux ans plus tôt, ne maîtrisait pas la langue de Shakespeare quand il a débarqué outre-Manche pour y terminer sa carrière de joueur. Marqué par le professionnalisme anglo-saxon, entre respect du coach et ambiance feutrée, il a appris à diriger sans effets de manche. Ne haussant le ton qu’en dernière extrémité. Une solide amitié lie Laurent Seigne et Philippe Saint-André depuis leur rencontre il y a plus de vingt ans sous le maillot bleu avant d’œuvrer à Gloucester et Bourgoin. « Pour aller du point A au point B, même s’il y a des embûches, Philippe prendra son temps, sera persévérant et souple, confie Seigne au Figaro. Il sait se contenir mais quand ça dépasse l’acceptable, le coup de gueule est terrible…» Peu de risque, cependant, qu’il ne dérape en conférence de presse. Pondéré et roué, PSA ne se laissera pas piéger. À l’inverse, il n’hésitera pas à user des éléments de langage chers aux politiques pour éviter de répondre à une question embarrassante.
Règles de vie
Avertissement aux Bleus. La bonhomie de leur nouveau sélectionneur est trompeuse. L’ancien capitaine du XV de France est exigeant, carré, strict. Il ne transige pas avec les valeurs que son père, en mémoire d’un grand-père résistant exécuté par les SS en 1944, lui a très tôt inoculées. « Je suis à cheval sur certaines règles comme le respect, le travail, le don de soi… » Dès son premier discours, il a prévenu les joueurs: « celui qui ne les respectera s’exclura de lui-même». Mardi encore, lors de sa première annonce d’équipe, il a répété le message. « Face à l’Italie, je peux accepter que les joueurs se trompent sur l’organisation du jeu mais ils n’ont pas le droit de faillir sur les valeurs de ce sport: le combat, l’envie d’avancer. Je veux de l’enthousiasme! »
Association de compétences
Vu sa remarquable carrière de joueur et son vécu d’entraîneur, Saint-André pourrait faire l’affaire tout seul. Le genre de prétention à laquelle il est étranger. « Je suis là pour fédérer les compétences », martèle-t-il depuis sa nomination. Et de le prouver dans les faits en faisant des pieds et des mains pour obtenir que le Stade Toulousain et Biarritz lui «prêtent» Yannick Bru et Patrice Lagisquet. Deux adjoints dont l’expertise ne souffre d’aucune contestation. À l’ancien talonneur du XV de France la charge des avants ; à l’ex-ailier tricolore les lignes arrières et la défense. Avec toute latitude pour mettre en place les organisations élaborées en commun. « Philippe n’a pas de problème d’ego, révèle Seigne. Comme tous les grands joueurs, il est humble et c’est facile de travailler avec lui. »
Respecter le jeu
Pas de révolution, ni d’idées grandiloquentes. Le jeu, pour PSA, commence par «les fondamentaux»: remporter le combat, occuper le terrain, ne pas commettre de faute. Un pragmatisme qui n’exclut pas quelques fantaisies. N’oublions pas que, joueur, il fut impliqué dans les deux plus belles actions du XV de France: à la conclusion de «l’essai du siècle» à Twickenham en 1991, à l’initiative de «l’essai du bout du monde» à Auckland en 1994… « Pour Philippe, on ne joue jamais trop les ballons bons à jouer », précise Seigne. Aux Bleus de faire les bons choix. Ne pas tenter l’impossible. Mais ne pas être trop frileux. En un mot: être pragmatique. « Ma philosophie, c’est d’abord de gagner», résume Philippe Saint-André.