"Zanzaro, le clownesque héros de ce roman, qui n’est autre que l’auteur, nous invite à le suivre dans ce cirque qu’aura été sa vie. On y croise Françoise Sagan, Liz Taylor, Viva Superstar et Derrida. On découvre avec lui les peines mais aussi les joies que cause sa maladie : la psychose maniaco-dépressive. Comme autant de pop-up surgis sur un écran d’ordinateur, les bribes du passé s’imposent à son souvenir. Le lecteur l’accompagne sur la piste d’une existence consacrée à l’art : à la musique, à l’écriture, à la musique de l’écriture." (Note éditeur)
Après quelques pages de lecture, je me demandais s’il existait meilleure illustration du style de l’auteur que le mot « foutraque » ! Dans cet ouvrage autocentré d’inspiration psychanalytique (qui cache son jeu sous l’appellation de roman), Léger bouleverse les codes en voulant raconter tout, tout de suite, sans y mettre les formes, hormis celles de l’affèterie et d’un théâtralisme surjoué. Happé dans une série de considérations vomitives sur lui-même et sur les autres, l’auteur prend ses marques de dézingueur. D’abord sur lui-même, car l’auteur narrateur ne s’aime pas beaucoup et offre un tableau noir de sa personnalité et de son physique, soliloque d’un homme perturbé aux revendications multiples et aux assertions définitives. Sur les autres aussi, le narrateur décrit des catégories de personnes honnies de manière tranchée : les critiques littéraires qui ont descendu son roman paru en 1982, la presse en général, les psys incompétents en particulier, mais aussi les mondains et les snobs qui fréquentent le même milieu artistique et littéraire.
L’homme côtoie en effet du beau monde : Sagan, Derrida, Greco… Qu’il les aime ou les abhorre, tous ont droit à une petite phrase ou anecdote de son cru, mélange de souvenirs et de fantasmes. Certains en prennent pour leur grade dans un concert d’amertume et de souffrance hurlée : le médecin moliéresque des beaux quartiers et son diagnostic de cancer diffus digne de Diafoirus, la « grosse » de chez Grasset (pouffiasse, grosse, conne, pas baisable, etc.) et le pauvre Derrida, traité de « bouffon bouffi de suffisance » , « un des plus grands imposteurs du XX° siècle », coupable d’exécrer la corrida… Que dire d’une telle diatribe, d’un tel déchaînement de haine, si ce n’est l’emphase de la souffrance, le ressentiment jaloux d’un névrosé histrionique qui se complaît dans son pathos ? Bibi et ses traumas d’enfant torturé, Zanzaro masochiste et ses formules outrancières jalonnées de points d’exclamation et de formules dramatiques.
De ce fait, les revendications plus contextuelles, les injustices raciales et politiques deviennent presque dérisoires devant l’immensité des problèmes existentiels du narrateur, ce qui apparaît un peu dommage, car on sent bien que le personnage a beaucoup de choses à raconter mais que l’exacerbation de ses douleurs psychiques prennent le pas sur tout le reste.
Auteur de romans et compositeur en mal de reconnaissance, tour à tour gouailleur, bohème, nostalgique, énervant, touchant, lucide, grossier, méprisant, poète, caricatural, idolâtre, puant, digressif, enfantin, épuisant et prétentieux, le narrateur nous emmène dans son univers barré et psychotique, chatoyant et pathétique, créatif et immature, l’image même du maniaco-dépressif. Comment ne pas avoir un regard de tendre indulgence pour ce personnage malheureux qui cultive son aura de victime pour mieux revendiquer son art ?
Conclusion : Ouvrage psychothérapique déguisé en roman, Léger nous livre un portrait de lui-même haut en couleurs mais toujours sans concession et avec beaucoup d’autodérision dans un style qui peut rapidement donner mal à la tête, mais qui a le mérite d’être le sien.
Pour en savoir plus :
Paru chez L’éditeur / Janvier 2012
200 pages
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Ouvrage lu en partenariat avec la maison L’Editeur