[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 26/41

Par Florence Trocmé

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
26e épisode 
Résumé de l’épisode précédent : Qu’une femme soit une intellectuelle, ça ne gâche rien pourvu seulement qu’elle ait de longues cuisses. Pour le moment, Claudie est une petite fille sérieuse, abominablement myope et très pâle... 
 
À glousser les yeux mi-clos (œufs mi-éclos ?)  croisés sur le 
Bout de mon nez. Brigitte et puis Josiane, Marie-France ou 
Agnès... enfin, toutes !  J’en avais plus qu’assez que, toutes, 
Elles m’agressent, et des fois, même,  c’était allé plutôt loin. 
Alors, avec Claudie, qui ignorait certainement qu’il y eût u 
Ne  différence  physiologique entre les filles et les garçons... 
Je me sentais à peu près tranquille ;  bien sûr il fallait la sur 
Veiller, qu’elle n’aille pas choir  dans un trou ou ne se fasse 
Décrocher ses lunettes du nez  par telle tige ou bien ramille 
Que (tellement miraude et ébleuite, comme on disait) elle n’   (1310) 
Aurait pas vue venir. Enfin..  vous voyez le genre, je n’insis    
Te pas. Donc, ça m’allait très bien, je lui montrais les arbres 
« Et là c’est un chêne, et là un petit houx », tous les oiseaux 
Les champignons, à l’occasion. Bon, mais un jour voilà que 
Claudie me dit qu’elle veut qu’on joue aux « sauvages »  là, 
Tous les deux au fond du bois, parce qu’il y avait un rayon 
De soleil tout blanc qui tombait obliquement : juste dans le 
Petit retrait où nous étions, et elle a dit que « ça l’inspirait » 
(Tel que) et qu’il fallait qu’on se mette tout nus (oh non !) et  
Les vêtements, on en ferait un tas, qu’on cacherait sous des   (1320) 
Branches, et je devrai bien mémoriser où : qu’on soit sûr de    
Le retrouver (tu parles ! que je vais le « mémoriser » !! je ne    
Nous vois vraiment pas rentrer culs nus au village,  serrant 
Les fesses et nous tenant benoîtement la main !). J’ai essayé 
De lui représenter  les risques que son idée  nous faisait cou 
Rir : l’instit’ qui courait dans ces bois, justement, préparant 
Le prochain championnat des Flandres de cross ; et le gard 
E du vicomte, peut-être à repérer le terrain pour une proch 
Aine chasse à courre ; ou les bracos, les ramasseurs de pleu 
Rotes et autres champignons,  les cueilleurs de jonquilles et    (1330) 
Voire des romanos, qui sait ? ou peut-être d’autres écoliers.    
Et j’oubliais encor les bûcherons. L’air de rien, il pouvait se 
Trouver qu’il y ait pas mal de monde dans une forêt. Mais, 
Rien à faire : Claudie ne voulut rien entendre elle était trop 
« Inspirée » (comme elle redisait) et il me fallut comme elle 
L’avait fait déjà me dépiauter.Elle était toute blanche, avec 
Des traces, allusives, de jaune, rose, bleu (sous la peau peut 
-Être), le soleil, passé à travers l’oscillante ramée lui mettait 
Sur les épaules, le haut des fesses, des festons et guirlandes 
De lumière...Claudie avait amené un masque qu’elle s’était   (1340) 
Confectionné avec le fond d’un vieux panier, et elle déclara    
En le passant. «Je ne veux pas qu’on me voie nue même pa 
Toi et c’est pour ça que je me cache le visage. Si je rougissai 
S c’est alors que je me sentirais vraiment toute nue, si toi tu 
Pouvais voir que je rougis, comprends-tu ? – Oui... enfin, je 
Suppose que oui. – Mais oui ! bien sûr que oui, tu as compr 
Is, tu n’es pas si bête ! Alors voilà... Mais...  la prochaine fois 
J’irai sans rien du tout sur moi, je ne suis pas habituée à sen 
Tir comme ça l’air, en même temps  sur toutes les parties de 
Mon corps.  Il y a de la honte, oui, je le sens bien ; mais c’est   (1350) 
La honte de ma peau, pas de mon cerveau.» En ce qui, moi,    
Ivar, me concernait, je me sentais un peu serré par l’air frais

épisode 27 le vendredi 3 février 2012