L’album se présente comme une fable philosophique parodique du XVIIIe siècle.Le Comte de l’histoire, comme Voltaire auquel il fait penser, passe son temps à écrire un pamphlet contre l’esclavage et à réclamer une plus grande liberté de pensée tout en vivant du commerce négrier qu’il est le tout premier à pratiquer. Sa femme, la Comtesse, libertine et nymphomane, a des prétentions littéraires, elle aussi:
«Si j’avais quelque espoir que mes écrits soient un jour publiés, je concentrerais toute mon intelligence dans une science aussi positivement circonscrite : le cul des jeunes femmes. J’aurais mon petit succès. …Mais tant de femmes causent et tiennent salon de nos jours que je garderai mes cahiers pour ma chienne Fragonarde, à qui je les lis à haute voix en espérant qu’elle n’y comprenne rien. J’écrirai donc comme tout le monde, sur l’esclavage, sur Dieu, sur l’âme et l’humaine condition.»
On sent comme un vent de folie iconoclaste secouer les personnages. Ils sont excessifs, caricaturaux, monstrueux et illogiques dans leur comportement. Un rire sardonique court d’un bout à l’autre du récit.
«J'aime bien traiter de sujet sérieux sans me prendre au sérieux. Retrouver l'esprit que j'avais en fac. Quand on étudiait Rousseau ou Hobbes, je dessinais des conneries dans mon cahier. La motivation de faire marrer ses copains, c'est pas si mal. Moi, ça me suffit pour me lever le matin »
«Chaque case est une référence aux peintures du XVIIIe qu'on trouve sur les boîtes de chocolat ou au fond des assiettes à soupe de nos grands-mères, avec les dames qui font de la balançoire.
D'ailleurs, c'est marrant. La peinture du XVIIIe est toujours dévaluée parce que c'est une peinture de plaisir. Ce sont des nanas avec des petits chiens. On ne la met jamais aussi haut que la peinture d'église. Mais moi, je me suis toujours senti très bien chez Bouchez, Fragonard, ou Watteau »
«Je suis un auteur de comédie. J'y peux rien. Et finalement, quand les gens rigolent, je suis content.»
J’ai beaucoup aimé ce premier album dont les dessins si lestes et caricaturaux m’ont enchantée, ainsi que les couleurs pleines de bonne humeur. Le début était plus grave, en contraste avec le reste. Je suppose que la suite parlera davantage de cet enfant noir que l’on voit sur la couverture, le seul à s’être sauvé en se cachant pendant la double traversée de l’océan. Découvert par la police à peine débarqué, que va-t-il devenir?
(Dargaud, 2011, 64 p.)