Les classes moyennes semblent être un enjeu majeur des élections de 2012. Tout le monde se les arrache.
Sarkozy estime que François Hollande se livre « à une attaque absolument sans précédent contre les classes moyennes [...] avec la progressivité de la CSG, avec la suppression du quotient familial, avec l’indexation sur le revenu de la consommation d’eau, de gaz et d’électricité, avec l’instauration d’une nouvelle tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu ».
Hollande répond que les classes moyennes n’ont bénéficié ni « du bouclier fiscal ni des avantages qui ont été donnés aux plus gros contribuables. [...] Les classes moyennes n’en peuvent plus, et je les comprends. Elles ont été ponctionnées pendant cinq ans, elles seront protégées. »
Pécresse ajoute : « Quand François Hollande dit: “Les riches payeront”, ce discours est un cheval de Troie pour préparer à une taxation des classes moyennes. »
Vallaud-Belkacem, la porte-parole de Hollande a fait une très longue tribune sur le sujet dans Libération, signe que l’enjeu est crucial… ce que semble curieusement nier le titre : “la classe moyenne n’est pas une clientèle électorale” [ ben si cocotte, sinon tu n'en ferais par une tribune de 6 000 signes où la notion apparait 16 fois].
Ce qui serait intéressant c’est de savoir à qui exactement s’adressent ces discours ?
Non pas de définir précisément la notion – ce qui relève par ailleurs d’études socio-économiques intéressantes en soi, notamment quand on regarde les revenus après impôts – mais de savoir à quel groupe la notion correspond dans la tête des candidats ?
Wauquiez qui a écrit un livre sur le sujet, “La lutte des classes moyennes” [on notera la référence marxiste], les définit ainsi :
“Les classes moyennes dans notre pays correspondent à 70% de la population. Elles regroupent trois valeurs sociologiques :
- Elles vivent de leur travail, et donc ni de leurs rentes, ni de l’assistanat ;
- Elles aspirent à posséder un logement ;
- Elles considèrent que l’idée que leurs enfants aient un meilleur avenir qu’elles est fondamentale.
En terme de revenus, les classes moyennes se situent entre 1500 et 6000 euros nets par foyer (un couple dont chacun des membres touche 2000 euros nets appartient donc à la classe moyenne).”
Dans la tribune de Vallaud-Belkacem, les classes moyennes sont opposées aux “plus riches“, aux “très riches”, aux “10 % les plus riches”, à ceux qui payent l’ISF, sans autres précision chiffrée que les “deux tiers des citoyens”. Le texte en effet se termine sur :
“les Français n’ont rien à craindre de l’égalité, rien à craindre de la justice, rien à craindre de la redistribution. On ne gouverne pas en opposant les intérêts des uns, à ceux des autres, bien au contraire : c’est toute la société française, et d’abord les deux tiers de citoyens qui composent la classe moyenne, qui a besoin de changement, maintenant.”
Or la réforme fiscale est au coeur du projet socialiste avec notamment (points 14 à 17) :
- la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR) ;
- une tranche supplémentaire de 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part et le plafonnement des « niches fiscales » avec un maximum de 10 000 euros de diminution d’impôt par an.
Là, comme pour le quotient familial, il est judicieux d’être précis. Face aux attaques du camp adverse, dire “les classes moyennes seront protégées” sera un peu court. Il faudra donner des fourchettes de revenus et fournir des outils de simulation de la réforme.
D’ailleurs les points 14 à 17 des “60 engagements” sont un peu sommaires pour une “grande réforme fiscale”. Le point 17 qui doit concerner l’ISF est flou : “je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines.”
Quid du seuil d’entrée dans l’ISF ou de l’exonération de la résidence principale ?
La précision quant aux catégories de revenus concernées sera d’autant plus nécessaire qu’il y a aussi de la subjectivité dans l’esprit des citoyens ; ce qui n’est pas un problème en soi mais ce qui veut dire qu’il faut en tenir compte.
Ainsi, selon une étude du Crédoc (1), 66 % des français considèrent qu’ils appartiennent aux classes moyennes. En moyenne, les français estiment que l’on est pauvre en dessous de 1000 € nets mensuels par personne et riche au-delà de 4600 € (soit 4100 € après impôts). Or si l’on regarde la distribution des revenus, seuls 3 % de la population dépasse ce seuil et la catégorie des classes moyennes telle que définie par des critères statistiques de revenus – par le Crédoc ou d’autres organismes – est plus étroite, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous…
A chaque candidat qui dira que les classes moyennes seront attaquées ou quelles seront protégées, il faudra demander “lesquelles ?”: celle définies par une distribution statistique ou celles définies par une échelle de revenus ?
(1) Crédoc, Les classes moyennes sous pression, cahier de recherche n°249, déc. 2008.
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