Par un premier arrêt en date du 30 janvier 2012, (Société Orange c. Commune de Noisy-le-Grand n°344992), le Conseil d'Etat a rappelé que la seule évocation d'un risque incertain ne permet pas au Maire d'une Commune de s'opposer à une déclaration préalable pour l'installation d'une antenne de téléphonie mobile.
La Haute juridiction rappelle tout d'abord :
"que s'il appartient, dès lors, à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en oeuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus"
Ainsi, la preuve "d'éléments circonstanciés" est requise pour que le Maire puisse, par application du principe de précaution, refuser la délivrance d'une autorisation d'urbanisme. La seule référence au principe de précaution ne permet pas de justifier légalement un tel refus.
Par application de la règle de droit ainsi interprétée, le Conseil d'Etat juge :
"Considérant que le tribunal administratif a jugé que le maire, après avoir constaté qu'en l'état des connaissances scientifiques, les risques encourus du fait de l'exposition aux antennes étaient incertains, notamment au regard des normes de distance minimale adoptées dans plusieurs pays voisins, avait pu légalement estimer que le projet présentait un risque de nature à méconnaître le principe de précaution ; qu'en portant une telle appréciation, au regard seulement de risques incertains, sans rechercher si des éléments circonstanciés étaient de nature, en l'état des connaissances scientifiques et des pièces versées au dossier, à justifier qu'il soit fait opposition à la déclaration préalable déposée en application de la législation sur l'urbanisme en vue de l'installation de l'antenne en cause, le tribunal administratif a commis une erreur de droit"
Ainsi, à défaut de ces "éléments circonstanciés", le Maire ne peut légalement s'opposer à une déclaration préalable pour l'édification d'une antenne de téléphonie mobile.
Cet arrêt est intéressant en ce qu'il démontre que, lors de l'instruction d'une demande d'autorisation d'urbanisme, l'autorité administrative doit "prendre en compte" le principe de précaution. Toutefois, cette prise en compte ne peut se borner à refuser une autorisation d'urbanisme au seul motif de l'existence d'un risque incertain. Le risque ne peut justifier à lui-seul un tel refus. En ce sens, le principe de précaution n'est donc pas un principe d'interdiction automatique. Le principe de précaution est bien un principe de recherche, d'analyse, de preuve de ce que la charge de ce risque incertain serait trop lourde.
De fait, il y a réellement lieu de s'interroger sur l'opportunité d'encadrer plus encore l'application du principe de précaution par le vote d'une résolution parlementaire.
Cette solution est confirmée par un arrêt du même jour (n°344993).
Pour autant, cette jurisprudence du Conseil d'Etat prive-t-elle de tout intérêt le moyen tiré de la violation du principe de précaution ? Une réponse négative s'impose. En réalité, aux termes de cet arrêt, il appartiendra désormais à l'administration de "prendre en compte" le principe de précaution et de se constituer la preuve de cette prise en compte. En ce sens, comme je l'avais soutenu dans ma thèse de doctorat, le principe de précaution est bien un principe de procédure administrative. Le Juge administratif exerce son contrôle sur le respect de cette procédure, sans chercher à trancher une controverse scientifique.