Nous sommes en Laponie, un peu au milieu de nulle part, dans une ville rasée après une catastrophe minière. Les derniers habitants sont confinés dans un espace surveillé jour et nuit. On l’appelle « La Zone ». Dans le froid glacial, ils subsistent tant bien que mal et alimentent de vieilles animosités. Dans cet enfer de gravats et d’amertume, le lapon Kolya survit et se montre différent, humain, en respectant les traditions de son pays. Il se lie avec la jeune Lyouba, qui partage son univers et sa façon de fonctionner.
Dans cette zone glacée où des âmes recluses sont claquemurées la maladie frappe à chaque instant, le désarroi s’installe et partout s’exhale un parfum de mort. Les survivants de la catastrophe écologique s’épient, se toisent et nourrissent des idées d’évasion …
Chacun remue son passé et Kolya ne peut oublier la perte de son jeune fils dans la mine. Avec Lyouba, il va tenter de s’échapper de cet enfer.
À travers une écriture allégorique, l’auteur accuse avec force et fermeté les chaos d’une société qui perd tout sens humain, où la jalousie règne en maître, où l’égoïsme trône et domine.
Un très beau récit de vie qui invite à la réflexion. Quel est le comportement de tout un chacun lorsque le drame survient, vous laisse livré à vous-même, vous oblige à côtoyer et secourir votre prochain ?
Les personnages sont à la fois désemparés et déterminés mais tous ont en eux cet espoir d’en sortir à tout prix. Les paysages croisés sont comme la toile d’un peintre qui aurait jauni ou se serait détruite pour avoir été transportée mille fois d’un côté à l’autre. On sent qu’auparavant la toile était belle comme cette toundra désolée, détruite par la faute d’un drame écologique.
Un ravissement … Une poésie qui résonne dans le cœur et l’âme.
« Tout fut enseveli sous des tonnes de ciment et de mâchefer amenées par des cargos non identifiés qui se frayèrent un passage parmi les sous-marins nucléaires à l’abandon dans la baie. […] Plus aucun obstacle ne s’opposa au vent du nord. Sur les cartes de protection civile, les Autorités, gommant le nom des villes martyres, hachurèrent un large quart de cercle reliant la baie à la Plaine. Les fjords poubelles et l’isthme de terre lapone rongées de galeries bourrées de déchets d’origine inconnue furent rayés de la carte ».
L’homme à la carrure d’ours de Frank Pavloff. Éditions Albin Michel
Date de parution : 04/01/2012