Comment réagissez-vous aux annonces de Nicolas Sarkozy ?
Jean-Luc Mélenchon. Le président est bien sûr candidat mais il ne se contente pas de faire campagne. Il prend, pour le pays, des décisions qui vont nous nuire tout de suite. Ces mesures sont coûteuses pour les salariés. Il faudra les abroger. Sur les 13 milliards de hausses de taxes, 85 % seront payés par les ménages via la TVA et 15 % par les revenus financiers. Cette proportion est sa signature.
Et sur la fin des 35 heures ?
Jean-Luc Mélenchon. Cette mesure est encore plus grave. Sous prétexte de compétitivité, le temps de travail sera discuté dans chaque entreprise. Cela revient à créer un territoire de non-droit, l’entreprise, où la loi ne s’appliquerait plus. L’expérience a montré que tous ceux qui ont accepté ces négociations ont été bernés, à commencer par les Contis.
Que faire alors pour l’emploi ?
Jean-Luc Mélenchon. L’économie française est en perdition pour trois raisons : à l’export, nous payons le prix d’un euro trop fort, en Europe, nous payons le dumping social des pays de l’Est. Quant au marché français, il est victime de la perte de salaires qui oblige les gens à moins consommer. Il faut donc augmenter les salaires – je propose un smic à 1 700 euros brut en début de mandat et 1 700 euros net dans cinq ans – et travailler à réduire les écarts de salaires en Europe. Enfin, créons des visas écologiques et sociaux sur les marchandises que nous importons.
Selon Nicolas Sarkozy, la retraite à 60 ans que vous proposez «ruinerait le pays»…
Jean-Luc Mélenchon. C’est un mensonge, car le pays a déjà vécu ainsi sans se ruiner. Si nous créons en dix ans autant d’emplois que sous la mandature de Lionel Jospin, nous mettrons presque les comptes à l’équilibre. Quant à dire qu’il faut travailler plus parce que l’espérance de vie augmente, c’est un raisonnement absurde et cruel. Si l’on vit plus longtemps, c’est parce qu’on travaille moins. En Allemagne, dès que l’âge de la retraite a été reculé, l’espérance de vie a diminué.
Vous n’êtes donc pas fan du modèle allemand ?
Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est qu’un alibi pour les politiques réactionnaires. Nos deux modèles sont antagoniques, ne serait-ce qu’en raison d’une démographie différente. Au Front de gauche, nous voulons une société à vocation égalitaire. Une classe parasite est en train d’anémier le pays à son seul profit ; elle doit comprendre que ses privilèges sont inacceptables. C’est pourquoi dans une même entreprise, les écarts de salaires seront compris entre 1 et 20. Et pour les revenus, nous créerons une tranche d’impôt à 100 % pour les 0,05 % de contribuables les plus riches. Nous créerons aussi quatorze tranches, contre cinq aujourd’hui, pour ne pas frapper les classes moyennes.
Pensez-vous, comme d’autres, que le PS est «arrogant» ?
Jean-Luc Mélenchon. Les socialistes ont raison de penser qu’ils ont des chances de gagner car les sondages leur annoncent une victoire large. Nicolas Sarkozy est jaloux de ça. C’est lui qui a une attitude arrogante en faisant comme si la scène politique était partagée en deux : lui qui travaille et les autres qui ne font rien, sinon commenter. Il est en perdition. Mais ne sous-estimons pas sa faculté à rebondir, qui est intacte.
Vous êtes en 5e position. Comment faire mieux dans 80 jours ?
Jean-Luc Mélenchon. La vie montre chaque jour l’inefficacité du modèle d’austérité auquel ont adhéré les quatre «Dalton» : MM. Sarkozy, Bayrou, Hollande et Mme Le Pen. Et je pense aussi que l’élection se jouera sur deux paramètres : la force de caractère et le contenu concret du programme. Dans les deux cas, j’estime être bien placé. Mais le calendrier de l’aspiration populaire à un profond changement ira-t-il au rythme de l’élection ?