Les solutions du passé peuvent se révéler instructives pour innover, pourvu qu'on soit capable, tel un bon médiateur technique, de faire des rapprochements entre deux mondes techniques a priori éloignés.
Le problème des grands fours industriels
Mon expérience professionnelle m'a donné l'occasion de visiter un tas de sites industriels variés, dont notamment des fours. L'industrie des matériaux est riche de procédés chauds, que ce soit en métallurgie, en fabrication de céramique ou de verre, ou encore en production de charbon de bois ou de graphite.
Les fours industriels sont la plupart du temps des système de chauffage discontinus (ou par batch) : une certaine quantité de matière à transformer est placée dans le four, on ferme le four, on chauffe, et on ouvre le four. Ce qui implique de chauffer le four (pour atteindre la température requise) et de le laisser refroidir, avec une perte énergétique d'autant plus importante que les murs du four sont massifs.
Or un grand four industriel, qui peut atteindre plusieurs mètres de haut, la tenue mécanique d'un four constitué de briques réfractaires impose une épaisseur importante aux murs. Ce qui est bien pour l'isolation thermique, mais pas du tout pour son inertie lors du chauffage initial. Il est même vraisemblable que l'épaisseur soit trop grande par rapport aux besoins d'isolation thermique, et que le poids soit la contrainte principale.
Au passage, pour les curieux, la propriété physique pertinente pour un four à batch n'est pas la conductivité thermique (qui a plutôt du sens pour les procédés continus), mais l'effusivité thermique.
Or de nombreux fours industriels, comme les fours verriers, sont des enceintes horizontales avec une voûte cylindrique, dont les murs sont épais.
On pourrait certainement réduire la perte énergétique de ces fours lors de l'allumage si on pouvait réduire l'épaisseur de ces murs.
La solution historique de l'architecture religieuse
Mes cours d'histoire de collège m'avaient appris que l'art gothique avait introduit des innovations architecturales qui avaient permis d'alléger la structure des églises et des cathédrales, comme la croisée d'ogives. Cet allègement se traduit par une hauteur bien plus importante de la plupart des cathédrales gothiques par rapport aux plus grands monuments religieux de l'art roman, ainsi qu'une luminosité accrue par la possibilité d'inclure de grands vitraux dans les murs.
Il suffirait de construire un four inspiré de ces techniques anciennes pour libérer de l'espace sur les côtés du four, où l'on pourrait remplacer les briques par des isolants plus légers (de la laine de verre, par exemple, ou un autre matériau fibreux réfractaire). Moins lourde, la structure serait moins inerte et pourrait réduire ses pertes énergétiques.
Alors, à quand des fours industriels gothiques et écologiques ?