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Jean-Paul Jaud : les économies d'énergie sont le premier pas vers une sortie du nucléaire

Publié le 31 janvier 2012 par Bioaddict @bioaddict

Le réalisateur des deux films chocs "Nos enfants nous accuseront" et "Severn, la voix de nos enfants" nous fait part de ses coups de gueule et coups de coeur écolos. En exclusivité pour bioaddict.fr, il parle également de son prochain documentaire sur les OGM et le nucléaire. Jean-Paul Jaud : les économies d'énergie sont le premier pas vers une sortie du nucléaire 

  1. Comment est né votre intérêt pour l'écologie ?

    Quand j'étais tout petit, dans la ferme de mon grand-père à Saintonge. C'est là qu'il m'a inculqué le respect du vivant, et que j'ai pu constater que lorsqu'elle est respectée, la nature peut-être très généreuse...
    A l'âge de 7-8 ans, il m'a appris à mettre à mort un animal avant de le manger. Ce fut un apprentissage important qui m'a permis de prendre la mesure de l'acte de consommation de viande. Quand on tue soi-même l'animal que l'on va manger, que ce soit une poule, un pigeon ou un lapin, je peux vous assurer que l'on ne consomme plus du tout de la même manière !
  2. Pourquoi avoir choisi la réalisation de documentaires pour sensibiliser le grand public ?
    Quand je faisais l'école de cinéma, je voulais surtout réaliser des documentaires sur les habitants de la planète, en général. J'ai dans un premier temps réalisé des documentaires pour la chaîne Canal Plus. Etant moi-même sportif, jé me suis notamment spécialisé dans les documentaires sur le sport, mais j'ai toujours réalisé des documentaires sur l'environnement. Ma fibre écolo s'est surtout développée à la naissance de notre fille, aux lendemains de Tchernobyl. Le nucléaire a ainsi été un des éléments déclencheurs de ma prise de conscience environnementale. D'ailleurs, un des premiers films dont je garde un souvenir d'enfant, est un film sur la bombe d'Hiroshima. Je ne me souviens plus du titre mais ces horreurs m'ont durablement marqué... 
  3. Un film que vous conseilleriez à nos lecteurs :
    Je suis passionné par le Japon. Je citerai donc Rêves du réalisateur japonais Akira Kurosawa. Ce film aborde une multitude de sujets environnementaux comme le nucléaire et le respect de la biodiversité. Il y a également Sept samouraïs. L'histoire se déroule dans le Japon médiéval de la fin du XVIe siècle. Sept samouraïs "has been" sont recrutés par un village paysan pour lutter contre des bandits qui pillent leurs récoltes de riz et ravagent régulièrement le village. L'histoire montre comment à force de négociations, les villageois parviennent à motiver nos sept samouraïs pour protéger leur mode de vie et d'alimentation traditionnels. 
  4. Un lieu où vous vous sentez proche de la nature :
    La vallée du Louron, dans les Hautes-Pyrénées. Enfant, ce sont les premières " vraies " montagnes que j'ai découvert. J'y suis retourné lorsque j'ai réalisé le premier épisode de la série " Les Quatre Saison en France ". J'ai suivi un berger des Pyrénées pendant un an dans cette vallée afin de montrer un mode de vie respectueux de l'environnement.
    Or, au moment du tournage, il y avait un projet de ligne à haute tension pour transporter l'électricité nucléaire du site de Golfech, entre Agen et Toulouse. La presse, les élus comme les associations dénonçaient d'une seule voix ce projet. Bien que je n'ai pas polémiqué sur ce sujet dans mon documentaire,  avant le générique de fin, j'ai néanmoins filmé un panneau expliquant qu'EDF avait voulu traverser la vallée du Louron d'une ligne à très haute tension (deux fois 410 voltes) et massacrer l'univers des bergers. J'espère que ce petit panneau filmé a apporté une pierre à l'édifice et permis le dénouement heureux. En effet, Corinne Lepage, qui était alors ministre de l'Environnement, a emmené Monsieur Jupé sur place et en 1996, ce dernier a décidé d'annuler le projet d'EDF.
    Ce lieu est hautement symbolique à mes yeux : quand on décide de se battre pour protéger la nature, on va jusqu'au bout.
  5. Un petit geste qui changerait beaucoup de choses :
    Appuyer sur les interrupteurs électriques. Eteindre la lumière, utiliser avec parcimonie chauffage et climatisation pour faire des économies d'énergie. Des gestes simples qui sont devenus obligatoires au Japon, suite à la catastrophe de Fukushima. Pour moi, les économies d'énergie sont le premier pas vers la sortie du nucléaire.
  6. Que pensez-vous de l'agriculture bio ?
    C'est le respect du vivant ! De tout temps, les hommes ont mangé bio en utilisant des engrais et des pesticides naturels, comme les purins d'orties. Dans mon film Severn, je filme un petit riziculteur qui pratique le " duck rice ", c'est-à-dire qu'il se sert d'un élevage de canards, complémentaire, pour éviter la prolifération de nuisible dans les rizières et fournir un engrais naturel à ses cultures. Une technique exemplaire !
    Si vous ne consommez pas des produits issus d'une agriculture durable, vous vous exposez à des maladies terribles comme le cancer, l'obésité, le diabète, etc. Comme l'a si bien souligné Pierre Rabhi, le problème actuel est que nous sommes dans une " civilisation hors sol ". Il faut se rapprocher de la nature pour apprendre à respecter le vivant et vivre en harmonie.
  7. Un fait de l'actualité environnementale qui vous a marqué : 
    La position de la France sur le nucléaire, qui me semble criminelle (et je pèse mes mots) ! Lorsqu'on se rend à Fukushima, on comprend combien cette position est scandaleuse car nous n'avons même pas besoin de cette énergie. Actuellement, au Japon, seulement 5 centrales restent en fonctionnement sur les 54 que comptait le parc nucléaire du pays. Avez-vous entendu dire que le Japon était depuis dans la misère, coupé de toute source d'électricité ? Qu'il n'y a plus de caméras, d'ordinateurs, etc ? D'accord, peut-être ont-ils redémarré des centrales à charbon polluantes, mais le gouvernement est surtout en train de diminuer la consommation d'énergie nationale de 30 % et d'améliorer l'efficience énergétique.
  8. Selon vous, le gouvernement japonais gère-t-il correctement la crise ? 
    Absolument pas ! Le gouverneur japonais et l'opérateur Tepco sont responsables des mêmes crimes de négligence. La zone d'exclusion qui a été définie après la catastrophe était minimaliste. L'iode n'a pas correctement été distribué aux jeunes enfants et aux personnes vulnérables. Enfin, le taux maximal de radioactivité a été scandaleusement relevé. L'opacité et le mensonge sont deux attitudes qui définissent bien l'attitude du gouvernement japonais mais aussi le gouvernement français quand il s'agit d'OGM ou de nucléaire...
  9. Un mot sur votre prochain film :
    " Tous cobayes " pourrait tout aussi bien s'appeler " la fin du bio ". Ce film parle des OGM et du nucléaire qui sont synonymes de mort pour le vivant. En effet, aujourd'hui, ce sont deux technologies que l'on ne maîtrise pas et dont on sait finalement très peu de choses. Conflits d'intérêts, opacité et mensonge... Mon film parlera de tout cela. Allons-nous un jour empêcher les lobbies de prendre le pouvoir ?
    J'espère que " Tous cobayes " sera sur les écrans avant les élections présidentielles...

Propos recueillis par Alicia Muñoz


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