La Vague
D’Hubert
Mingarelli
vu par Barthélémy Toguo
Éditions du Chemin de fer, 2011
« La mer était grise et blanche.
Le ciel tombait sur la mer. Le vent soufflait.
Alors nous vîmes la vague qui devait nous emporter, Tjaden et
moi,
plus tard, le lendemain, au moment où
peut-être elle touchait Cuba ou la Floride. »
Mis à mal par la tempête à cause de la désobéissance de Tjaden, le bateau amarre une fois la mer calmée sur le quai de
Port-au-Prince. Entre ce dernier et le narrateur se dessine une amitié fraternelle tenue par la rudesse et la solitude mais surtout par un rêve partagé de quitter l’armée et de se construire une
maison en bois où ils élèveraient ensemble des poulets.
Malgré la compréhension du lieutenant Grossman, homme attentif et massif comme un ours, le marin, audacieux et
arrogant de colère face à l’injustice de leur condition, se voit consigné à bord pendant que le reste de l’équipage va profiter des plaisirs de la ville.
Mais un garçon haïtien vient proposer à Tjaden et au narrateur de leur ramener une fille ou deux pour les distraire. Ils acceptent et, bravant l’interdit, vont attendre dans une baraque en brique
à l’extrémité du quai sur des couvertures, avec de l’alcool et des cigarettes.
Dans ce texte court traversé par les illustrations aériennes de Barthélémy Toguo, Hubert Mingarelli explore
intarissablement ce lien infime entre les êtres, dans une prose ondulante, dépouillée et poétique. Entre des dialogues où l’humour s’immisce et les confidences des uns au hasard d’une
nuit sombre, l’humanité de ces personnages se déploie dans leur fragilité, leurs renoncements, leurs peurs mais surtout dans leurs espérances et dans les nuances qui teintent les affections
qu’ils éprouvent. Le lecteur est pris au plus vif, happé d’empathie et d’émotions si justement suggérées.
Les personnages d’Hubert Mingarelli marchent souvent en duo, comme dans ce récit dont le narrateur « au cœur léger », tout d’abord, s’étoffe au fil de l’écriture, et semble même se
défaire d’une posture observatrice et ingénue en prenant une consistance, permise peut-être, par la brève séparation de son acolyte, Tjaden.
Cet univers marin où l’eau grise et blanche s’obscurcit sous les pieds balançant du narrateur et du garçon qu’il rencontre, rappelle indéniablement les précédents romans de l’auteur, d’Hommes sans mère (2004) au recueil de nouvelles La Lettre de Buenos Aires (2011), et plus particulièrement l’une d’entre elles…ce qui laisse planer l'énigme.
Pour la déceler (peut-être), rendez-vous ce mercredi 1er février 2012
à la FNAC de Grenoble Centre Ville à 18h,
au forum, Hubert Mingarelli échangera avec Franck Pavloff autour de leurs derniers romans.
Voir l'article sur L'homme à la carrure d'ours de Franck Pavloff : "L'homme à la carrure d'ours" de Franck Pavloff