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Condamnons ce monde de la finance !

Publié le 31 janvier 2012 par Copeau @Contrepoints

Le monde de la finance le plus néfaste, le plus injuste, le plus odieux est… celui de la politique.

Par Jacques Garello
Article publié en collaboration avec l’aleps

Condamnons ce monde de la finance !
Voilà donc l’adversaire – non déclaré – de François Hollande.

Mais s’agit-il de Nicolas Sarkozy ? J’en doute, puisque le Président n’a pas manqué d’attribuer la crise aux dérèglements de la finance, et mène croisade pour la moraliser, à grands coups de taxes et règlements internationaux.

S’agit-il de Marine Le Pen ? Elle nous sert en permanence des couplets contre le capitalisme apatride qui réduit les travailleurs français au chômage.

S’agit-il de François Bayrou ? Il est contre tout le monde, et pourquoi pas contre le monde de la finance.

Ainsi s’organise entre nos candidats une surenchère pour condamner ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal.

Je souscris en grande partie à cette fable de La Fontaine. Mais peut-être ma conception du monde de la finance n’est-elle pas la même que celle de ces politiciens. Précisément parce que le monde de la finance le plus néfaste, le plus injuste, le plus odieux, est à mes yeux celui de la politique.

Ce monde de la finance publique est néfaste. On lui doit la crise mondiale, et la crise européenne. La crise de 2008 n’a pas pris naissance chez les banquiers ni chez les boursiers, mais bien dans les bureaux de la Maison Blanche et de la Fed. Les politiciens américains ont mis en place une politique « d’argent facile », poussant des insolvables à s’endetter avec la garantie de l’État, couvrant les erreurs de Wall Street par un refinancement généreux avec des taux d’intérêt nuls. Tous les financiers américains n’ont pas été des saints, mais ils ont tous été pardonnés d’avance et le budget fédéral est devenu la caisse de Notre Dame du Bon Secours.

Là-dessus, et c’est plus grave aujourd’hui, les États européens ont été pris la main dans le sac. On s’est enfin aperçu de ce que beaucoup de gens (comme nos Conseillers à la Cour des Comptes) savaient depuis longtemps. François Fillon dès son arrivée au pouvoir : « la France est en faillite » – c’était avant la crise « financière ».

Ce monde de la finance publique est injuste, il dresse les gens les uns contre les autres. Il subventionne les amis et clients du pouvoir au détriment de la nation. C’est le monde des déficits, le monde des expédients, le monde de l’insouciance. Nos dirigeants ont joué les cigales, parce que c’est plus facile de chanter que d’épargner. Les dépenses publiques permettent de satisfaire les privilèges, d’attirer la clientèle électorale, et d’acheter un brevet de « justice sociale » en spoliant ceux qui travaillent et dont les gains mérités par les services rendus à la communauté sont honteusement confisqués. Le monde de la finance budgétaire c’est celui des manifestants, de ceux qui bloquent les routes, de ceux qui mettent les trains et les avions en panne.

Les municipalités, départements, régions ont autant de dettes que l’État. Des milliers d’associations reçoivent des subventions sans raison : « associations lucratives sans but », dit Kaltenbach. Ici c’est un permis de construire, là c’est un « logement social », ou un poste créé ad hoc. Les marchés publics sont l’occasion de rackets, de pots de vent. La finance de Monsieur Emmanuelli, d’Urba Gracco, ou la finance de Messieurs Chirac et Juppé à la Ville de Paris : est-elle juste ?

Enfin et surtout, ce monde de la finance publique est odieux parce qu’il devient en fin de compte le monde de la corruption la plus éhontée. « La corruption affecte la classe politique française », dit un récent rapport de Transparency International. Pouvez-vous faire la liste des « affaires » ? Il y en a trop, des rétrocessions de Karachi au roman de Clairstream, en passant par les vedettes de Cherbourg, les avions renifleurs, le château de la CGT et les comités d’entreprises de la RATP ou de l’EDF, le monde politique donne un spectacle de dérèglement des mœurs, de fortunes insolentes. Mais DSK est toujours populaire. L’argent sale n’est pas seulement celui des fraudes et de l’évasion vers les paradis fiscaux, c’est celui des partis qui ramènent de l’étranger des mallettes de billets, c’est celui de l’Eurafric qui va jusqu’à provoquer des guerres comme en Côte d’Ivoire.

La meilleure défense étant l’attaque, ces princes qui nous gouvernent donnent des leçons de morale à l’autre monde de la finance, celui des marchands. Cela ne les empêche pas de mendier des crédits auprès de ceux-là même qu’ils incriminent : mais le mendiant n’a que haine pour l’usurier dont il dépend. Une telle dépendance des États vis-à-vis des marchés est présentée aux électeurs comme une atteinte à la souveraineté et à la démocratie. Il y a en fait conflit entre les deux mondes de la finance : le monde politique veut domestiquer le monde des libres marchés, et il y a réussi en partie. Aujourd’hui les hommes politiques veulent assurer leur victoire définitive et soumettre la finance à leur contrôle ; il suffit de re-nationaliser les banques et de mettre le crédit entre les mains de l’État. Nous y sommes presque.

Ceux qui écoutent et parfois approuvent les discours qui pourfendent la finance devraient savoir que finance signifie confiance. Que la société européenne du Moyen Âge a dû son premier développement au fait que les gens ont quitté la peur et la guerre pour vivre dans la paix et la confiance. Que le crédit c’est croire aux autres. Que capitaliser veut dire cesser de vivre au jour le jour, pour élargir son horizon temporel, oser préparer l’avenir, oser spéculer. Que c’est grâce au crédit, à la micro-finance de Monsieur Yunius que depuis vingt ans des millions de pauvres ont pu quitter leur condition d’esclaves pour devenir des hommes libres.

Pour le progrès de l’humanité, pour la moralité et l’honnêteté, nous n’avons pas besoin du monde de la politique, qui est le monde de la sale finance. J’invite les candidats à changer de registre et à nous parler de confiance et de liberté.

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