Fétichisme programmatique : ceux qui promettent et ceux qui écoutent

Publié le 31 janvier 2012 par Vogelsong @Vogelsong

“Examine si ce que tu promets est juste et possible, car la promesse est une dette.” Confucius

Ne lisez pas les programmes ça ne sert à rien. Bon sens ou hérésie démocratique ? Comment zapper la profession de foi du candidat qui engage sa personne sur la réalisation de projet durant sa mandature. Le programme est dit-on la pierre angulaire de l’élection. Le sésame qui ouvre la voie de la respectabilité, mais surtout de la crédibilité entre ce qui est faisable, ce qui est souhaitable et ce qui est possible. Mais il peut aussi être perçu comme un grand exercice d’amnésie collective, et la quintessence du gadget marketing en politique.

Le programme politique s’apparente plus à un budget d’expansion de Start-up qu’à une feuille de route de gouvernement. En ce sens, il permet à plus ou moins long terme de dire que l’on n’a pas tenu ses promesses. Et la vie politique française dans ce domaine ne manque pas d’exemples marquants. En 1981, F. Mitterrand a mis un peu plus de deux ans pour faire demi-tour, pour annoncer que finalement ce n’était plus possible. Et que le programme de gauche, de changement ainsi voté ne pourrait être totalement poursuivi. Il reste du mitterrandisme aujourd’hui quelques mesures que l’on garde précieusement faute d’avoir changé le monde. Pour N. Sarkozy c’est plus flou. On pourrait dire que le reniement de ses engagements se situe entre 3h et 1 mois. On se souviendra de sa tirade place de la Concorde, la voix vibrante « Je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas ». Avec le recul, on confine au pathétique.

Chacun à son prétexte. En 1983-84, la gauche sous la pression budgétaire et européenne n’a pas voulu (pu) sauter du train continental. On déploiera nombre d’artifices médiatiques, dont le fameux exercice télévisuel pédagogique « Vive la crise », pour masser les consciences et faire passer l’amertume. Pour la période Sarkozyste, on a eu la crise. Réceptacle de toutes les difficultés, ce grand alibi de sortie de feuille de route.

Mais surtout, l’objet programme n’est qu’un élément parmi les autres du dispositif de marketing politique. Au même titre que le Haka PS, les lunettes rouges, mais surtout les couleurs de cravate et les slogans qui font mouche. D’ailleurs, le passé montre que les candidats furent plus élus sur un gimmick que sur une réelle vision politique. Et seuls les experts par exemple ont vu dans N. Sarkozy un tournant libéral en 2007. Pour le citoyen, il s’agissait surtout de « gagner plus ».

Enfin, le programme est un artifice piégeux et globalisant. Pour en revenir à N. Sarkozy de 2007, c’est tout ou rien. En d’autres termes, il faut à la fois croire au paiement des heures supplémentaires et accepter dans le même lot la stigmatisation des étrangers. Or, sur une proposition (le gagner plus), on ramasse le tout (la totalité du programme)…

Une enquête électorale publiée dans Libération et citée par P. Quinio en février 2007 montrait que 11 % des personnes interrogées ne se prononcent pas. Et sur les 89 % qui citent le nom d’un candidat de leur choix, 56 % pensent qu’ils peuvent changer d’avis. Les Français manifestement ne lisent pas les programmes. Soit ils ont compris l’entourloupe, soit ils n’en ont pas le temps.

Bien sûr en 2012, il en sera tout autrement.

Vogelsong – 28 janvier 2011 – Paris