Fellag ferraille dans les idées reçues. Et il les bouscule en provoquant le rire. Par exemple: "La France, c'est une Algérie française qui aurait réussi." Petite phrase qui dit beaucoup de nos proximités. De même, un peu plus tard dans le spectacle, il réussit à rapprocher Algériens et Français en passant par les ressemblances entre Français et Italiens et entre Algériens et Marocains, les uns les autres croisant leur calme ou leur colère. En sortant de la salle, on se dit que les mêmes choses racontées dans la rue n'auraient peut-être pas cette force comique. Mais ici, sur la scène, Fellag nous entraîne, nous met en appétit en préparant sous nos yeux et nos narines un couscous. C'est l'occasion pour lui de nous faire un cours sur le réchauffement climatique, l'univers n'étant, finalement, qu'un couscoussier. C'est aussi l'occasion de créer de la connivence, de la connaissance réciproque. Sa proposition de donner à la France le A de l'Algérie pour récupérer le triple A dégradé par Standard & Poors fait éclater de rire la salle, qui prend peut-être alors conscience, d'une part, que le "chacun pour soi" est ridicule et, d'autre part, que la note ne préoccupe au fond que ceux qui prétendent avoir les meilleures. Et, puisque le couscous est, selon un sondage, le plat préféré des Français, c'est peut-être enfin l'occasion de dépasser les préjugés. C'est pourquoi il les met en scène : il dit "nous" pour les Arabes, les Algériens, les musulmans, il dit "vous" pour les "Français de souche", mais il montre les travers des uns et des autres, et chaque côté de la Méditerranée a ses aspects risibles. Il ne s'agit pas d'aimer, ce qui pourrait avoir un arrière-goût de condescendance, mais peut-être simplement de vivre ensemble moins tourné vers le passé que vers l'avenir, et de boire chacun sa boisson, les petits chocs étant ceux des verres qu'on trinque au moment de partager le repas. Et "buvez ce que vous voulez".
J'ai vu ce spectacle à l'Agoreine de Bourg-la-Reine (92), dans le cadre du 17e Festival d'Humour organisé par le CAEL.