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Poursuites

Publié le 30 janvier 2012 par Badiejf
Asefi se moque de moi depuis 15 minutes. « Il fallait bien que tu écrives sur ton blogue que c’était le calme plat dans le dossier de Duvalier. T’as vu, on va le poursuivre ! » Elle fait référence au fait que le juge d’instruction vient de confirmer que Duvalier sera poursuivi pour détournements de fonds. La nouvelle a fait le tour du monde, je l’ai même lue sur le site de Radio-Canada avant de la voir apparaître sur des sites haïtiens. Je ne me laisse jamais déjanter par les propos d’Asefi. « Poursuivi, poursuivi, il faut le dire vite. Déjà des gens critiquent le fait que les poursuites ne concernent que les détournements de fonds, mais ne comprennent pas les crimes qui ont été commis contre les opposants. » Fidèle à son habitude, Cetout se lance dans la partie. « Labadie a raison, il ne se passera rien. C’est simple. Les crimes économiques sont ceux qui ont le moins de chance d’aboutir. En partie parce que la prescription peut plus facilement s’appliquer dans la confrontation des lois nationales et internationales, et que le bonhomme a déjà fait l’objet de poursuites semblables avant que les procédures tombent. Assez de prises pour des avocats pour que ce bout des poursuites soient abandonnées. Deux ou trois ans d’appels devant ce qui nous reste de système judiciaire et le bonhomme s’en sortira sans trop de complications. La grosse nouvelle aujourd’hui, c’est l’absence de poursuite en lien avec les crimes contre l’humanité. Là le droit international aurait pris une plus grande importance et l’apport d’organisations internationales auraient pesé nettement plus lourdement dans un procès. Une partie nettement plus difficile pour les avocats nationaux de Duvalier. »
- Penses-tu que Martelly aurait laissé aller les affaires ? On le dit très proche du clan Duvalier.
- Cetout se relance. Martelly a profité des ondes locales la semaine dernière pour dire qu’on devait pardonner alors qu’aujourd’hui en Europe, il recadre un peu son propos et mentionne que Duvalier devrait être jugé pour ses crimes. Rassurer son monde ici et ses alliés à l'international. Le président a eu ce qu’il voulait. On ferme le gros morceau des droits de l’homme et on lance aux fauves qui attendent une proie déjà morte. Il répond aux attentes de ses proches qui ne veulent pas voir un cheveu de Duvalier approché par un ciseau, et permet des procédures qu’on sait vouées à l’échec pour la galerie.
- T’es toujours dans la théorie du complot lui lance sa sœur. Imagine qu’on le coince comme il faut avec ces poursuites, ce serait un pas non ! Je veux te rappeler qu’au Cayes récemment, des policiers se sont faits coincer et finiront leur vie en prison. C’est quand même une preuve que le système peut accoucher de quelque chose de concret.
- Penses-tu que si les journalistes américains n’avaient pas sorti et suivi cette vieille histoire de meurtres de détenus, les policiers auraient été réellement inquiétés ? Non, le système de justice n’a pas la capacité d’autorégulation nécessaire.
- Et pourquoi ça ne pourrait pas se passer de la même manière dans le cas de Duvalier lui lance Asefi ? Duvalier est sûrement capable de maintenir l’intérêt international sur Ayiti encore quelques années. C’est peut-être la pression internationale qu’il nous faut pour sortir de cette partie de notre histoire. Pis à ce que je sache, personne n’a encore confirmé que les poursuites en lien avec les violations des droits de l’homme ont été abandonnées.
Cetout ne savait plus quoi réponde à sa sœur et faisait semblant d’étirer le fond de sa Prestige. « T’as peut-être raison, mais je n’ai pas vraiment confiance pour la suite. »

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