Voilà des semaines - disons-le, des mois - que je n’avais pas mis les pieds à « Panic Cinéma », ce rendez-vous hebdomadaire du Nouveau Latina prisé des amateurs de séries B, de séries Z, d’inédits rares ou de classiques, de nanars et de plaisirs coupables. La fois précédente, il me semble que c’était pour l’inédit The Fall de Tarsem Singh. Samedi dernier, c’est également pour un film récent que j’ai renoué avec la séance nocturne du Latina (désormais avancée à 22h alors qu’on l’a connue en séance de minuit).
Ma journée m’avait déjà conduit devant deux films, le documentaire souvent drôle et passionnant Freakonomics, et le polar vénéneux Millenium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes. Le puceau que j’étais de l’univers de Stieg Larsson, n’ayant ni lu les livres ni vu les adaptations suédoises, s’est régalé de l’œuvre de David Fincher, dense, brute et étonnamment touchante (la faute à une paire de personnages finement écrite, et à un duo d’acteurs, Rooney Mara et Daniel Craig, les incarnant à la perfection jusqu’à une scène finale apportant une étonnante émotion). Une jolie mise en bouche pour aller se frotter à Mother’s Day au Nouveau Latina.
J’ai connu la salle de la rue du Temple plus remplie, à croire que Darren Lynn Bousman, qui à lui seul a réalisé près de la moitié de la saga Saw, n’a pas tant de fans que cela (et après tout est-ce étonnant…). Ce n’est pas pour le CV du réalisateur que les amateurs se retrouvaient devant son film en ce samedi soir, même si les raisons ne manquaient vraisemblablement pas. Le fait qu’il s’agissait du remake d’un film d’horreur musical délirant de la bande Troma, ou le plaisir de retrouver en tête d’affiche Rebecca de Mornay, entourée pour l’occasion de quelques têtes connues comme Jaime King, Frank Grillo ou Shawn Ashmore (le Ice-Man des X-Men !). Il y avait aussi l’exclusivité d’une telle projection, le film étant montré au même moment ce soir-là au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, ainsi que nous l’a révélé Fred Garcia, présentateur du soir. C’est ce dernier d’ailleurs qui a fait de l’homme aux sacs plastiques une des stars de la soirée.
C’est une des certitudes des soirées de « Panic Cinéma ». Tomber sur Plastic Man (je m’évertue à l’appeler « l’homme aux sacs plastiques » alors que tout le monde l’a officiellement super-héroïsé avec cette appellation anglo-saxonne que je vais finir par adopter). En arrivant devant nous pour lancer le film, le MC du soir a salué le sol en nous précisant « Pour ceux qui ne le verraient pas, notre ami Plastic Man est assis par terre au premier rang ». Ce dernier, soudain embarrassé par tant d’attention, s’est alors levé et a filé dans l’escalier situé à côté de l’écran, pour se diriger vers les toilettes vraisemblablement, mais surtout pour se cacher. La présentation terminée, de là où j’étais, j’ai vu Plastic Man (pour l’occasion, comme à son habitude, fraichement vêtu, simple T-shirt manche longue et espadrilles aux pieds) vouloir retourner à sa place, mais la lumière ne s’étant pas encore éteinte, il patientait dans l’ombre, comme gêné de devoir entrer sous la lumière des projecteurs, préférant faire profil bas. Dès que la lumière s’est tamisée, il est redescendu s’asseoir par terre, à son premier rang fétiche.
Rien que pour ce genre de petit moment touché d’une grâce cinémaniaque, j’adore les soirées Panic Cinéma. Celle-ci fut même l’occasion d’enfin croiser la route de Phil Siné que je ne connaissais jusqu’ici qu’à travers sa Cinémathèque et avec qui j’ai pu échanger mes impressions au sortir de la salle. Dialoguer à propos du plaisir pris devant ces frangins braqueurs prenant une maison en otage, bientôt rejoints par leur maman pétrie d’amour pour ses fistons à qui elle a enseigné la nécessité de protéger la famille envers et contre tous. Tous, en l’occurrence, c’est ce groupe d’amis pris en otages, divisé entre ceux qui veulent se défendre et ceux qui pensent qu’il est préférable de suivre à la lettre ce que demande la famille de psychopathes qui les tient en joue.
Inutile de préciser que la soirée ne va pas se dérouler sagement et que le sang va couler en abondance. On retrouve bien, dans ces dilemmes moraux posés aux personnages qui doivent jouer avec leur vie et surtout avec la vie d’autrui, le réalisateur d’une large partie des films Saw. Il s’amuse à pousser ses héros dans leurs retranchements et à faire jaillir, pas toujours au second degré, l’absurde. Il les pousse tellement loin parfois qu’on n’est jamais loin du nanar, mais dans son exploration de ce que l’être humain devient lorsqu’il est mis sous pression, et des failles qui peut découler au sein d’un groupe en apparence soudé, Mother’s Day amuse grandement. Un film qui avait définitivement sa place à une séance de Panic ! Cinéma.
Peut-être était-ce de cela que discutait Plastic Man avec un ami qui est peut-être aussi omniprésent que lui dans les salles obscures, puisque je l’ai reconnu comme le spectateur ayant fait comme moi il y a quelques semaines le doublé Sweetgrass / The Terrorizers… où j’avais également croisé Plastic Man. Décidément, on finit toujours par se retomber dessus. Même si je ne suis pas sûr qu’ils me reconnaissent aussi facilement que je les reconnais eux…