Comment réfléchir à l'avenir de son entreprise lorsqu'on est face un adolescent collé à son écran ?
Ingrédients
Un OTM (Organisme Technologiquement modifié) ou un adolescent élevé avec Internet haut débit. L'OTM n'a connu que la navigation facile. Il ignore tout de celle ralentie par des débits anecdotiques et des modems diesel nécessitant un agaçant préchauffage. Un parent inquiet de voir sa tête blonde rivée à des écrans à telle point qu'elle en oublie que la vraie vie se passe sur un stade ou à refaire le monde avec des copains en chair et os.Mon conseil : Choisissez un parent premier choix. Il veut le meilleur pour sa progéniture et sait qu'on n'avance pas avec des idées fixes.
Un ordinateur qui a été rempli en deux coups de culière à clic de bizarreries numériques imaginées par des jeunes boutonneux talentueux.
Recette
1 . Installez-vous derrière votre OTM et observez l'écran de l'ordinateur qu'il manipule. Vous y trouverez :
Des fenêtres de navigateur où s'affichent Wikipédia, des blogs, Google et encore des vidéos...
Un monde en 3D où des avatars aux allures cosmiques se déplacent.
Un logiciel consacré au téléchargement de musique et films. 2. Observez la manière dont votre adolescent passe d'un espace à l'autre et demandez « Cela ne t'agace pas toutes ces sollicitations ? ». Attendez le haussement d'épaule qui signifiera que la question est d'une absurdité désolante et grognez intérieurement que vous ne supportez pas un tel mépris.
Lorsque vous aurez fini de ronger votre frein, demandez-vous si le jeune homme ne serait pas en train d'apprendre à faire plusieurs choses en même temps. Vu que dans l'entreprise les projets se traitent de plus en plus en simultané, chacun a de plusieurs fers au feu temps, les interlocuteurs sont plus nombreux, ne serait-il pas en train d'acquérir une compétence qui lui permettrait demain d'être moins victime du stress ?
3. Après cette interrogation rassurante, zoomez sur chaque partie de l'écran et entamez pour chacun un mélange grumeleux composé d'observations et de réflexions.
4 . Regardez les fenêtres de MSN et lisez : « Mon daron é la i ve savoir ce ke je fé kan je sui a l'ordi… cé ouf moi cé ma reum ki me cherche ». Cassez d'un coup votre légitime agacement et mettez de côté votre envie de hurler « C'est inadmissible d'écrire ainsi… Ce n'est de cette manière que tu auras ton bac… De mon temps, on... » et autres certitudes d'éducateur dépassé par les événements.
Calmé, aventurez-vous à considérer que ce langage ne traduit pas une fainéantise endémique chez les OTM mais qu'il est aussi un moyen de signifier son appartenance à une communauté. Vu la popularité des échanges en langage texto, on peut en déduire que ses aficionados sont entrain de construire une culture qui va bouleverser l'entreprise. Dans un grand élan de délire prospectif, imaginez demain que tous les documents éphémères de l'entreprise soient écrits ainsi et estimez qu'il est préférable de tenter de comprendre ces codes que de le rejeter.
5. Passez à l'espace consacré au jeu en ligne. Interrogez votre OTM et découvrez que si votre gaillard ne sait pas encore gérer le rangement de ses affaires personnelles, il dirige une guilde d'une cinquantaine de personnes venues des quatre coins de la planète. Depuis chez vous, il fixe des missions, définit des objectifs, stimule ses troupes, coordonne son équipes… Soupirez « Tu perds ton temps avec ces jeux » afin de ne pas perdre la face et pensez dans le même temps que l'animal est peut-être en train d'acquérir les compétences nécessaires pour les managers de demain.
6. Laissez reposer cette troublante supposition jeu et posez le blog sur la table. Etonnez-vous du nombre de billets et commentaires. Notez qu'au prochain dîner il faudra éviter de faire monter la mayonnaise sur le thème « Les jeunes ne lisent plus, n'écrivent plus. » et arranger la sauce avec : « Ils lisent et écrivent des choses différentes qui parfois nous dépassent. » En voyant la dynamique entre textes, photos, commentaires et autres subtilités, pensez à l'Intranet de votre société et demandez-vous : « Mais, comment les jeunes vont faire quand ils arriveront dans l'entreprise ? Ils n'accepteront jamais d'être obligés d'aller voir le responsable informatique pour faire une modification sur le site.
7. Constatez à ce moment que dans la cuisine numérique de l'OTM, il n'y a pas de gestionnaire de mails. Demandez les raisons de cette absence et entendez d'entendre : « Le mail, c'est pour les vieux. ». Pensez en même temps « Quand ils travailleront, ils devront s'y mettre. » et « L'entreprise devra changer ses outils de communication quand les OTM débarqueront. » Tournez ce dilemme jusqu'à ce qu'une émulsion changement-adaptation apparaisse.
8. Sortez du congélateur le paquet recherche d'informations. Enlevez l'emballage « Trop d'informations tue l'information » et autres poncifs pour vous focaliser sur Wikipédia et les sites ouverts destinés à effectuer des savants copier-coller susceptibles d'épater les professeurs du jeune homme. Considérez que ce n'est pas ainsi que l'on acquiert de la connaissance et que les OTM vont devenir frivoles et superficiels. Entamez la discussion sur le sujet de leur recherche du jour, acceptez de vous étonner que contrairement à vous, ils ne noient pas dans l'information mais surfe dessus. Esquissez un retourner de pensée qui changerait le paradigme de la connaissance qui n'irait plus de pair avec un approfondissement des choses.
9 . Concentrez-vous maintenant sur l'espace musique et films de l'écran. Jouez les naïfs en demandant à votre jeune numérisé « Combien tu dépenses pour obtenir ces films et ces musiques ? » Quand il vous répondra : « Oh pa tu dates, c'est total free », conservez le sourire. Réservez la grimace à votre directeur commercial s'il ne trouve pas de réponse aux attentes grandissantes de gratuité des générations montantes.
10. Laissez reposer plusieurs jours vos observations, réflexions, émulsions tout en continuant le dialogue avec votre OTM. Jetez un coup d'œil sur les chiffres concernant l'emploi et en particulier celui des cadres. Grincez des dents en observant la pénurie de candidats dans certains secteurs et griffonnez sur un post-it : « Priorités… Réfléchir à intégrer les compétences acquises par les jeunes avec l'utilisation des nouvelles technologies…. Créer un environnement professionnel qui leur permettra de valoriser leurs talents et de doper leur créativité. »