Eduquer pour une société durable : Dieux et autorité en crise

Publié le 30 janvier 2012 par Valabregue

Pour vivre ensemble, il  vaut mieux partager des règles communes ; c’est à dire  avoir foi en quelque chose qui fonctionne et ce n'est donc  peut être pas inutile de passer un moment à faire l’inventaire des formes de relations à Dieu que l’humanité a mise en place.

Dans ce sens la  démarche de Jean-Marc-Fert est une oeuvre de salut public qui devrait figurer très haut au fronton du socle commun à transmettre à toutes et à tous si nous prétendons être un minimum crédibles sur la question du vivre mieux ensemble.

 

L’auteur distingue ainsi :

Dieu comme objet naturel. Lorsque cette question est posée à des enfants de maternelle ils concluent que ce n’est pas  crédible. Le problème est que les Athées souvent ne dépassent pas le niveau de raisonnement d’un enfant de 6 ans : puisque dieu n’existe pas dans notre monde physique il n’existe pas du tout ! La croyance sous jacente est que la raison est mieux que la Foi, car elle tue moins. Jean Marc Fert  rétorque que la raison n’a que quelques siècles derrière elle / à la foi et qu’elle a déjà un beau palmarès de morts.

Si  ce n’est pas Dieu qui a crée les hommes, force est de reconnaître que les hommes ont inventé Dieu (aux alentours de -10 000), les dieux sont devenus des objets de connaissance.
On remarque que Dieu  dans de multiples est un inspirateur des hommes  et que face au multi-culturalisme, aller voir les facettes de ces inspirations est sans conteste un moyen de gérer intelligemment la diversité.
Dieu est aussi présenté comme celui qui a permis le Verbe, quelque chose d’apparemment spécifiquement humain. Ce qui frappe aujourd’hui c’est l’explosion des langues donc des dieux. Or vivre ensemble ne peut pas faire l’impasse sur les dieux que chacun se choisit ou auquel il se soumet.

Comment faire en sorte que les éducateurs ne soient pas écrasés par ce fardeau de la multiplicité des dieux qui confirme ce que disait Hannah Arrendt en 1955 « l’autorité du monde moderne a disparue ». Or ceci est une bonne nouvelle car cela signifie que le dressage est terminé. Encore faut-il l’assumer !

Depuis des siècles le rapport des hommes aux divinités ont conditionné l’organisation sociale. Sans aucun doute l’écologie est un nouveau Dieu, celui qui annonce la finitude.

Dieu est un principe institutionnel, cela n’a aucun sens de dire qu’il n’existe pas.

Dieu est aussi un principe qui permet de justifier la cause efficiente.  Chaque chose existante a une cause et chaque cause produit des effets. C’est Aristote qui ouvre une brèche dans laquelle l’église à partir de Saint Thomas d’Aquin s’engouffrera, en tentant de réconcilier Raison et  Foi. Dieu est devenu un principe explicatif de ce que l’on ne comprend pas. Mais cette place s’est peu à peu réduite sous la poussée des sciences. Il ne faut pas oublier que l’on utilisait il y a 50 ans à peine l’expression « élève doué » quand on ne savait pas d’où cela venait. Si dieu n’est pas responsable alors l’éducateur a une part croissante de responsabilité. (perso je dis aux jeunes votre réussite c’est vous qui la construisez, votre échec c’est moi qui en est responsable, et je ne suis pas dieu omniscient donc aidez moi à vous faire réussir, si vous n’y arrivez pas ne vous en voulez pas  et ne m’en voulez pas trop  à moi non plus)

Rappelons que l’ensemble des processus de transmission  de l’évolution culturelle constitue la quintessence de l’éducation, moment de possibilité d’émergence du sujet.

Dieu grand consolateur est un passage clé du livre.
Lorsque l’existence est trop dure, dieu est un principe consolateur. Comme à la connaissance de toutes et tous l’existence n’est pas si commode que cela, on peut imaginer que ce principe fonctionne encore sous de nouveaux oripeaux. Je me permettrais de dire : cherchez ce qui vous console et vous serez plus lucide sur le type de dieu qui vous mène par le bout du nez.
Jean Marc Fert ne prend pas à la légère ce genre de problème et dit tant que la voie de la guérison n’est pas accessible, tout ce qui permet de soulager est à considérer. L’attitude compassionnelle de la religion date à peine de l’ancien testament et surtout du nouveau.
Si l’étage évolution échoue, l’homme s’en remet au bouc émissaire ou à la loi du Talion, à des projections sur l’autre  de ce dont on souffre, dans l’espoir d’être quitte ; (comme c’est au cœur des partis politiques ce n’est pas une mince question)

Au plan éducatif et Laïque les formes de coaching se substituent à la religion (mais elles ne sont pas instituées dans l’école à cause d’un coût supposé trop frot) par rapport aux souffrances, et il y aussi  la médecine, les psychotropes, l’alcool etc..

Le recul de Dieu n’opère pas comme dans la forme « explicative » et à partir du moment ou l’école n’opère plus sont rôle d’ascenseur  social, elle devient  le lieu de violences et de pratiques de la toxicomanie. Il n’y a bien sur aucune formation à la résilience. Ne nous étonnons pas de voir se développer les pratiques religieuses. Le nouveau dieu qui émerge des cités est celui du Talion. Le rôle du port du foulard  est  ainsi une facette de cet aspect ; il s’agit de s’exhiber.
Dieu chef de tribu

L’auteur renvoie à  Julian Jaynes et  Marcel Gauchet. Julian Jaynes s’intéressant à l’évolution sur 3000 ans de la conscience verbale et réfléchie qui permet la décision intérieure. Gauchet à l’irruption du sujet comme preuve de l’écartement du religieux.

Cette fonction de Dieu  a permis d’unifier des peuples et codifie le rôle du chef.

Chaque peuple ayant bien sur son dieu lui permettant de se distinguer des autres. Ce qui est aux antipodes d’une conscience universelle, d’une’ humanitude’ chère à Jacquard.
Le dieu, chef de tribu est le dieu des armées, c’est l’origine de toute autorité.
Le recul de ce dieu ne s’accompagne  pas des développements à penser décider et agir par soi même. On voit ainsi se développer  des nouvelles émergence de cette facette de dieu, des empires comme le « marché » la « mode », « la ligne svelte »  « l’envie du moment » (j’aurais rajouté le BUZZ) beaucoup de soumissions qui vont jusqu’à s’inscrire dans le corps.

Emprises qu’on ne peut pas ne pas combattre.

Tout ceci cultivant une confusion entre liberté et volonté que dénonce bien Hannah Arrendt.
En éclairant cette posture de dieu nous pourrons plus facilement proposer notre  co-construction du processus éducatif, seul alternative sérieuse  à la mise à distance du couple sado maso chef /esclave.

« La liberté d’autrui entraîne la mienne à l’infini « Bakounine. 

Le grand sacrificateur  est la neuvième occurrence de dieu. Si dieu n’a pas de sexe, il a bien un genre :le masculin ! Il est temps d’en sortir et d’aller vers ce que j’appelleras volontiers l’Homo Eco-‘logicus qui inventerait de nouvelles reliances en sortant de la guerre entre foi et raison.

Une fois le voyage autour des figures de Dieu, l’auteur nous livre une petite citation pas connue de Marx, « la religion comme soupir de la créature opprimée », pour continuer à étayer une thèse simple et juste : la religion n’est pas qu’obscurantisme. De toutes façons le rationalisme ayant débouché sur des monstruosités que tout citoyen de base connaît bien , il n’est plus possible de garder une vision simpliste des choses

Cela permet aussi de sortir d’une vision simpliste de l’éducation. L’éducation come voie pour se libérer peu à peu de la tutelle de dieu. L’éducation comme processus pour passer de l’autorité divine à l’émergence de l’auteur.

Ce qui nécessite de bien distinguer l’autorité, le pouvoir et la persuasion. De pouvoir jouer  et distinguer le contrat, l’expertise, le modèle,  l’arbitrage, le leadership ,le leader charismatique.

Après nous avoir rappelé qu’autorité vient du latin augmenter et qu’obéir signifie écouter-devant , il brosse à grand traits les évolutions de l’histoire de l’autorité.

Obéis disait Platon ou ton âme connaîtra des tourments éternels.

Pour Hannah Arendt,  l’autorité s’enracine dans la divinisation de la fondation de Rome, dans la sanctification de la maison et du foyer.  Il s’agit d’augmenter la puissance de la patrie. Et le Jesus qui s’est opposé à cela  et a fini sur une croix. Et l’église fit alors de la mort et de la ressurection du Christ la pierre angulaire de sa nouvelle fondation. Et on est parti pour quelques siècles de vecteur de l’autorité par le christianisme. Cela commence à se dégrader à partir des croisades qui réintroduisent par le biais des arabes les principes grecs, deuxième couche avec les protestants, cela débouche sur les jésuites pour restaurer l’autorité. Cela ne suffit plus vraiment, le vers est dans le fruit, Descartes doute et le « je » devient premier. L’autorité bascule du collectif vers l’individuel. Il y a alors une succession d’épisodes :la révolution ,l’empire etc qui révèlent une bataille de titans sur la question de l’autorité. On arrive au projet de jules ferry et consorts de civiliser et éclairer les peuples sauvages.
Si l’autorité faibli et débouche sur son cortège d’incivilités et actes plus moins barbares, elle signifie aussi la fin de la domination masculine et pousse à l’élaboration de nouveaux re-pères qui immanquablement devront être inscrit autour d’une autorisation à
Ceci étant l’abolition véritable de dieu ne sera actée que si chaque « je » peut vivre comme auteur.
La question éducative devient « comment s’autoriser » S’autoriser à raconter à quelqu’un qui m’écoute mon histoire de vie. Je m’autorise à maintenir par mes actes les relations que j’ai choisies. Je m’autorise à transformer les groupes auxquels j’ai librement choisi de participer. Je m’autorise à écrire à créer à projeter mon avenir.
Le  « je » se vit alors comme nécessairement interdépendant du « bio milieu » et devient ainsi une personne.

Pour se faire ce peut, il y a un certain nombre d’obstacles sur la route qui ont pour noms : capacité à sentir, à parler et à écouter, à affronter la mort.
Nous pouvons alors rêver que les gens puissent penser et communiquer autrement, s’ouvrir à la bio diversité culturelle, tolérer le différent, aimer son prochain et donc entrer en relation profonde avec le vivant.

Inchallah !

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