Hôteliers et agents de voyage ont toujours collaboré dans le cadre d’une sorte de cohabitation , ayant besoin les uns des autres, avec un équilibre des forces penchant d’un côté ou de l’autre selon l’activité, la disponibilité et les crises.
Durant les années 80, les agents de voyages s’étaient imposés comme incontournables, par une commercialisation qui passait exclusivement par eux et aidés en cela par le fameux article 13 de la loi N°1-76-395 du 8 octobre 1977. Depuis l’abrogation de cette loi et son remplacement par la loi 31/96, les choses n’ont cessé de se dégrader pour les réceptifs marocains en ce sens qu’ils n’étaient pas préparés à ce changement brusque , un peu ce qui s’est passé pour notre compagnie nationale RAM avec l’open Sky.
Avec les grandes crises ( Chocs pétroliers, guerres du Golf,crise financière, crise économique, printemps arabe) les relations se sont dégradées , chacun essayant de préserver ses parts en ignorant l’autre avec souvent une sorte d’hypocrisie consentie. Le grand reproche fait aux agents de voyages, était qu’ils ne prenaient aucun risque , leur activité n’étant pas capitalistique. Ce qui est en partie vrai, mais peut on se passer du savoir faire et surtout du relationnel établi pendant des années avec les marchés émetteurs?
Bien sûr que certains ont pu résister en opérant des partenariats avec des TO, soit par participation, soit par absorption et ont pu continuer sur le modèle réceptif travaillant pour le compte du TO et effectuant les opérations de transports terrestres, excursions, circuits, délaissant la gestion de l’hébergement (Négociation et règlements )à leurs donneurs d’ordre. Les autres, grande majorité, ont opté pour une petite production continuant à travailler avec des indépendants, des autocaristes, des groupeurs spécialisés en Comités d’entreprises etc… en s’engageant sur des allotements et en prenant des risques sur le transport terrestre pour réaliser des circuits à départs fixes.
Ils ont maintenu vaille que vaille une relation avec les hôteliers, mais difficile pour ne pas dire conflictuelle. Il faut dire que la lutte avec les mastodontes du voyage à forfait était inégale (engagement sur des capacités vide pour plein, versements d’acomptes substantiels en contrepartie de tarifs très bas et jouant la masse).Cette politique tarifaire, toute au bénéfice des TO a finit par aboutir à la disparition de certains hôtels délaissés car ne pouvant plus se rénover, d’autres ont été cédé aux TO en question, ont tout simplement récupéré par les banques et particulièrement le CIH qui en avait financé une grande partie.
Aujourd’hui le grand danger viendra des TO on LINE qui poussent les hôteliers à une compétition suicidaire, leur prenant au passage des commissions substantielles sans aucune prise de risque pour eux. Ces TO virtuels sont en fait de formidables outils mis en place par des groupes financiers avides de profits rapides. Les TO traditionnels subissent leur loi et ayant perdu la bataille aérienne face aux Low Cost, ils sont entrain de perdre la bataille terrestre face aux TO on LINE. Les victimes collatérales de cette guerre sont bien sûr les professionnels marocains , hôteliers et agents de voyage.
L’émergence de nouveaux hôtels, adossés à de grandes enseignes internationales, peut être un moteur pour relancer la destination. Ces grandes marques s’appuient sur un réseau international pour faire leur promotion et représentent un atout pour le Maroc en général et Marrakech en particulier. Mais il ne suffit pas d’avoir de beaux hôtels, il faut impérativement un service répondant aux attentes des clients de cette gamme de produit tant dans l’accueil, que dans l’animation, les infrastructures et les événements programmés au courant de l’année. Le produit en général doit correspondre aux attentes légitimes de cette clientèle, qui ne peut être cantonnée dans un périmètre déterminé.
D’autre part, les enseignes locales, qui ont fait la course en tête durant la décennie écoulée et participé à la notoriété de la destination, ont besoin d’un véritable lifting et une remise au goût de jour . Ils doivent être aidées en cela par les autorités compétentes et gagneraient beaucoup à mon sens à se rapprocher des DMC nationales pour une collaboration plus étroite, basée sur la confiance, l’éthique et le professionnalisme des deux parties.
Enfin, il convient de se pencher sur tout l’informel qui plombe les efforts consentis par les uns et les autres. Cette prolifération d’acteurs que l’on retrouve dans l’hébergement ( appartements, maisons, villas, riads etc….) mais également dans les services ( organisation de séjours, d’excursions, de circuits, d’événements … ) sans que personne ne trouve rien à redire , si ce n’est une économie au noir, un travail au noir et des moeurs indignes de nos fondamentaux.
Devant la gravité de la situation qui va empirer dans les mois , voire les semaines à venir, il me semble urgent que nous réfléchissions ensemble à la survie de nos entreprises et à l’image de notre destination. Différentes pistes doivent être explorées pour nous sortir de ce cercle vicieux , notamment pour les PME que nous sommes. L’accord cadre vision 2020, conscient de la fragilité de notre tissu, a prévu la mise en place de leviers à travers un programme pour l’innovation et la compétitivité de nos entreprises face aux mutations que subit l’industrie des voyages.
La mise en œuvre de ce programme reste liée à la mise en place des ADT , véritables laboratoires d’idées pour asseoir des stratégies régionales en parfaite symbiose avec les acteurs locaux (publics, privés et élus).
Les contrats programme régionaux devaient voir le jour en 2011, où en est on aujourd’hui ? Chaque jour qui passe est un jour perdu , comme notre industrie qui, si elle n’est pas consommée, est perdue.