David Giguère
Hisser haut
Audiogram
Canada
Note : 7/10
par Élise Jetté
Vous avez probablement entendu L’atelier dans la production cinématographique Starbuck, de Ken Scott. Ensuite, vous vous êtes probablement questionné: est-ce qu’on le connait lui? Et si vous vous êtes questionnés, c’est parce que vous avez entendu quelque chose de talentueux. Et ce talent se retrouve sur le tout premier album de David Giguère, Hisser haut. Réalisé par Pierre-Philippe «Pilou» Côté (Champion, Elisapie Isaac) et dirigé par Ariane Moffatt, Hisser haut se taille une place de choix dans la lignée des Pierre Lapointe et Philippe B de ce monde, mais l’insertion d’un amalgame de styles (trip-hop, jazz, groove) sur des poésies singulières et touchantes lui donne une personnalité bien unique.
La pièce titre de l’album expose un trip-hop bien défini où l’on reconnaît l’influence de Moffatt et où le collaborateur Emmanuel Schwartz vient dessiner la portion rap de l’album. S’il fallait dire du mal de David Giguère, on pourrait souligner la disparité des pièces, tantôt pop française mélodique, tantôt rythmées sur une instrumentation de cuivres et de violons. On passe du chant soul au chant parlé et chaque morceau devient une découverte et, pour ça, on n’en dira pas de mal.
Le poète contemporain entame et conclut son album avec de courtes pièces d’environ une minute chacune qui interpellent au plus haut point par des textes qui touchent l’imaginaire et les sentiments. D’abord Dépanneur: « Mais y’a pas un dépanneur qui dépanne vraiment/Que de l’alcool en bouteille comme un pansement » et Permettez-moi, qui traite d’amours à distance: « Enfin permettez-moi de pouvoir parler d’moi à la première personne/La deuxième est partie avec mon coeur bien sûr/Mais mon coeur est ici [...] Faire l’amour à distance, c’est peut-être faire l’amour avec quelqu’un ici. »
Des poèmes qui font danser, c’est possible, sur l’album de Giguère. Les pièces Madame M et 1-2 le démontrent très bien dans un univers de cuivres où un son appelle l’autre dans un chant précisément sculpté sur la rythmique. La musicalité est alors intelligemment et délicatement insérée dans les mots. Le jeune chanteur propose des créations qui racontent de brèves histoires, comme sur Carambolage où le piano est dominant et dans laquelle on traite de préoccupations enfantines et de déni de la réalité de grandir.
Vous reconnaîtrez un style Philippe B dans Comme toi, une touchante ballade au piano révélant les tourments du jeune adulte qui parle à sa mère. Désirs révèle une poésie fignolée sur des rythmes changeants qui se collent à des poussées vocales démontrant la puissance du chant de Giguère. C’est pas elle évoque pour sa part une pop rythmée au synthétiseur avec des sonorités rétro alors que La chose met en valeur la voix très particulière et omniprésente sur l’album de la choriste Camille Poliquin. Viens que je te griffe aurait pu être une pièce au piano de Pierre Lapointe. La touche de groove très personnelle à David Giguère fait toutefois de lui un artiste plutôt unique dans ce qui se fait de franco au Québec, que ce soit sur cette pièce ou sur l’album en entier. Encore expose une fois de plus les cuivres qui s’imposent sur des mélodies d’harmonica où l’on oscille entre un chant très rythmé, voir folklorique, et un chant très appuyé où la musique s’efface finement pour laisser toute la place aux mots: « je regarderai dehors pour voir si ça se peut encore… »