L'ENVIE
"Pendant une longue période, qu'au fond je n'ai à coeur ni de situer dans le temps ni d'estimer ici en nombres d'années, j'ai vécu dans peut-être la pire insubordination de notre époque, qui est l'absence de vie sexuelle."
Ah cette phrase à l'effet coup de poing qui ne manque pas de piquer la curiosité!
Car comme tout ce qui a trait de près ou de loin à l'intime, et donc entre autres à la sexualité, même s'il s'agit de son absence, voilà une confession qui fascine inévitablement. Après les nymphos et les homos, les nos(exuels). Tout à fait le genre d'aveu qui pourrait animer les émissions TV racoleuses de 22h. Aveu? Confession? Comme si la notion de bien ou de mal rentrait en ligne de compte finalement, alors qu'on devrait tout simplement
"... écouter son corps et s'occuper de nos fesses."
Ce "roman" illustre à sa manière la stigmatisation et la solitude des personnes mises au ban de la "norme" sociale, fait d'autant plus terrible que ceux qui cadrent dans le groupe social de référence, qui répondent aux critères requis, vivent des souffrances, comme on s'en doute, et comme en témoignent aussi les tranches de vie qui composent ce récit par courts chapitres.
"Je ne sais pas si l'amour rend aveugle, mais j'ai pu croire que la solitude rendait clairvoyant."
L'auteure, Sophie Fontanel, émaille son récit de réflexions pertinentes sur le comportement social de l'entourage, sur nos désirs, nos frustrations, l'importance de l'écoute de soi, la pression sociale, le conformisme, nos quêtes et besoins, plus simples qu'on ne le pense, alors qu'on les complique.
Tout cela est servi par une écriture délicate sur un propos audacieux, et tout simplement délicieuse dans sa sobriété et sa précision, mais sur le fond, ça m'a laissée un petit peu sur ma faim, comme si le sujet n'avait pas été creusé aussi loin que je l'attendais et qu'on l'abordait en surface, comme en satellite, en donnant plus d'amplitude à la vie sexuelle (ratée ou pas si épanouie) des autres, qu'à l'absence de vie sexuelle, ou en éclairant l'absence par la présence, mais d'une lumière trop forte qui rejaillit sur la source en en faisant presque la vedette.
Au final, je ne savais pas quoi faire ou penser de ce récit. On ressent une certaine libération chez l'auteure de pouvoir dire les choses. J'ai trouvé ça admirable dans la démarche mais j'ai fini par trouver ça trop lisse, trop ménagé, intellectualisé, et mis à part ce tour de force qui consiste à dire merde à une société qui se croit au top de la libération des moeurs et de la pensée mais "qui a des limites à ce qu'elle peut entendre", je n'y ai pas trouvé trop d'intérêt.
A noter tout de même que l'absence de vie sexuelle est un choix ici et aurait fait écho encore différemment certainement si c'était subi.
L'auteur
Sophie Fontanel est romancière, essayiste et grand reporter à Elle.