Le cultissime parfum étoilé Angel de Thierry Mugler fête ses 20 ans. Oui, 20 ans, déjà. 1992. Je m'en souviens comme si c'était hier. Pas que je sois ultra-fan de la fragrance, mais quand même, personne n'a pu passer à côté, elle est reconnaissable entre mille.
Aujourd'hui, Angel est la fragrance la plus universelle de la parfumerie : portée par des femmes de 17 à 77 ans, ouvrières ou héritières, c'est depuis ses débuts l'un des parfums les plus vendu en France et le troisième en Europe (45 millions d'euros de CA rien que sur cette référence !!).
L'été dernier, j'avais été invitée par Thierry Mugler Parfums à découvrir leur gamme de maquillage et à cette occasion, j'ai discuté avec Jean-François Leprince, Directeur Général France de Clarins Fragrance Group (Mugler, Swarovski, Azzaro...), qui m'a révélé plein d'anecdotes sur le cultisme parfum Angel.
Comme j'ai une mémoire de poisson rouge, je l'ai revu il y a quelques semaines pour qu'il me la rafraîchisse (la mémoire) et que je puisse partager avec vous les petits dessous de l'histoire Angel.
La première chose que m'a raconté J.-F. Leprince, c'est que Angel, fruit d'une rencontre entre deux artistes visionnaires plus qu’exigeants, Thierry Mugler et Vera Strubi, n'aurait jamais vu le jour si l'équipe qui a travaillé dessus avait été trop sérieuse. Car on pourrait sous-titrer l'histoire de sa création : "Comment développer un jus à la fragrance impossible à créer, d'une couleur impossible à obtenir, dans un flacon impossible à fabriquer".
La fragrance
Thierry Mugler voulait une odeur à la fois orientale (overdose de patchouli), qui fleure bon les souvenirs "enveloppants" de son enfance (guimauve de fête foraine, chocolat, caramel...) et qui évoque une sirène mi-ange mi-démon hantant ses rêves de jeunesse. Un mélange des genres un peu particulier...
Aujourd'hui, ça vous paraît ambitieux mais pas si dingue que ça, comme brief. Il y a 20 ans... c'était une autre histoire. Il a fallu 2 ans et plus de 600 essais au nez Olivier Cresp pour arriver à LA fragrance. Il paraît qu'il en est presque devenu fou.
La couleur
Mugler tenait absolument à ce que son parfum soit bleu. Pas que le flacon, le jus également.
Réussir à colorer le parfum en bleu sans dénaturer la formule ni la rendre verdâtre (les formules aromatiques étant plutôt jaunes) fût une autre paire de manches. On eût beau expliquer au couturier que ce n'était pas possible, il n'en démordait pas, et il a bien fallu s'y atteler...
Et vous savez quoi ? Oui, je sais que vous savez : ils ont réussi à obtenir ce jus bleu unique sur le marché.
Le flacon
Thierry Mugler voulait un flacon en forme d'étoile, car quand il était gamin, il regardait les étoiles, et puis il voulait être danseur étoile, aussi. Il a donc dessiné la forme étoile que l'on connaît.
Petit problème de conception : comment répartir le verre dans les branches de l'étoile de manière uniforme et pas trop épaisse en faisant fi de la gravité qui aura tendance à faire s'accumuler la matière dans les extrémités des branches les plus basses ?
Tous les verriers de France ont refusé le défi, qui leur semblaient impossible à relever. Tous, sauf... les Verreries Brosse qui, après des mois de recherche, ont réussi à mettre au point un moule rotatif permettant une répartition harmonieuse de la coulée de verre dans toutes les parties de l’étoile en la faisant simplement tourner sur elle-même. Il fallait y penser...
L'histoire d'Angel est aussi l'histoire d'un autre coup de génie, un coup de génie marketing et commercial :
Le flacon ressourçable
Vera Strubi a inventé avant l'heure, et sans le savoir tout à fait, le parfum durable !
Dès la mise sur le marché de Angel, elle a exigé par contrat que chaque parfumerie qui le commercialise propose également une fontaine à parfum afin que les consommatrices puissent se réapprovisionner en leur fragrance préférée sans jeter le flacon (cette magnifique Œuvre d'Art) et en dépensant moins (25€ les 100 ml contre 100€ avec le flacon étoile). Vous êtes probablement loin de vous en douter, mais aujourd'hui, le ressourçage représente tout de même 42% des ventes d'Angel !
Depuis, d'autres marques se sont mises au parfum rechargeable (Kenzo, Viktor & Rolf...), probablement plutôt pour des raisons écologiques.
Alors voilà, que l'on aime ou que l'on n'aime pas ce parfum ou son univers féérique tellement différents qu'ils ne peuvent laisser indifférent, une chose est sûre : on ne peut que tirer son chapeau devant tant d’ingéniosité et de prise de risque ! C'est tellement rare dans l'univers de la parfumerie...
Bon anniversaire, Angel !