[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 25/41

Par Florence Trocmé

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
25e épisode 
Résumé de l’épisode précédent : Rencontre d’une tarte d’airelle télécommandée, de citrouilles au sourire crénelé et de l‘hologramme d’un chien grand lecteur d’inscriptions funéraires. On se fait peu à peu à la laideur de la sorcière et on glisse même une jambe dans son lit. – Mais qui est Alix ? 
 
Elle est sans doute la Sorcière, et, par là même et de là mê 
Me sa propre grand-mère,  qu’elle doit « endosser » et por   (1250) 
Ter (en est-elle grosse ? « un enfant dans le dos » ?),  aussi 
La fée (Viviane et Mélusine). — C’est une grande intellect    
Uelle (ce qui après tout ne gâche rien, surtout quand il s’a 
Git du type « intellectuelle à longues cuisses »   et c’est pré 
Cisément son cas. Une grande intellectuelle, physiquemen 
T aussi, je veux dire)... On l’a vue à l’œuvre, et comment !  
Dans Cadavre grand m’a raconté, notamment. Bien sûr c’est 
Le genre  à tresser serré ses cheveux blonds pour enrouler 
Ces tresses autour de son crâne !  Et, bien sûr qu’elle porte 
De fines lunettes sur le bout de son nez,  et qu’elle regarde   (1260) 
La plupart des mecs de haut, avec son mètre quatre-vingt 
Cinq. Faut ce qu’il faut ! Et son invite sexuelle est discrète,  
Élégante, mais puissante (quelquefois – mais latéralement – 
Appuyée), et « Tassememouille », son nom de famille... ça 
Veut tout de même dire « Tâte-moi le bivalve » en picard : 
Ne pas oublier... Elle n’est pas Claudie,  et encore moins la 
Lucie du Mirador (qui me reste inaccessible). Alix, la jeune 
Femme Alix est moi. Mon double, en tout cas. Ma sœur — 
Ma jumelle. 
                         Claudie aimait les horizons. Surtout quand 
Ils n’étaient pas trop loin (vu sa myopie).  Maladroitement   (1270) 
Mais, avec quel entrain ! elle montait sur le tronc d’un très 
Gros arbre abattu, chablis, chablis, et regardait longtemps 
Par là, la main en visière sur son front  (qu’elle avait incroi 
Yablement haut, et bombé, et bosselé) ;  elle voulait voir le 
Pays des légendes, celui où on n’arrive jamais, le domaine 
Des fées. Mais vu sa myopie maousse tout était brouillard 
Pour elle et où qu’elle braquât ses regards. Elle était d’une 
Naïveté, d’une innocence effrayantes !  petite fille sérieuse, 
Rêveuse.  Elle travaillait bien à l’école et portait d’épaisses 
Lunettes. Mais elle aimait courir les bois avec moi, et c’est      (1280) 
Elle,c’était elle qui venait me chercher, et m’entraînait. Ça    
Étonnait tout le monde. — Même...ça mettait mes parents    
Mal à l’aise,  je ne comprenais pas pourquoi et d’ailleurs je 
N’ai toujours pas compris... On me disait toujours de faire    
Bien attention à Claudie, vu qu’elle avait la vue si basse et 
Qu’elle était si... enfin, si... (les gens du village, je m’en ren 
Dais bien compte, n’étaient pas loin de penser qu’en dépit 
De ses réussites scolaires  elle était un peu idiote, ou même 
Pour reprendre leur expression, qu’elle « n’avait pas tout » 
). Oui de faire bien attention de ne pas l’emmener, Claudie      (1290) 
Dans des endroits où elle pourrait trébucher sur des souch    
Es, ou se cogner à des branches basses : elle si fragile, de si    
Pauvre santé, y voyant si peu clair et guère dégourdie... Et 
Attention qu’elle ne se perde pas ! moitié d’abruti que moi    
Même j’étais. Mais c’est, c’était elle, Claudie, qui le voulait, 
Aller par la forêt, forcer les lisières, passer l’orée, et gagner 
Les clairières. Bon, moi, pourquoi pas ? J’habitais déjà qua 
Siment ces bois... Et puis, la compagnie de Claudie m’agré 
Ait,  parce qu’elle n’était pas comme les autres filles à s’em 
Poigner à travers la robe entre les jambes tout le temps ; et      (1300)    

épisode 26 le mercredi 1er février 2012