Qui sommes – nous ?
Pourquoi suis – je assis ici, dans ce café, plutôt que d’être là bas, debout ? Pourquoi toujours rêver ma vie en regardant les autres ? Les jours passent et je ne change pas… seul mon visage semble vieillir chaque année un peu plus, toujours un peu plus marqué par mes sombres pensées, par mes réflexions incessantes.
Qu’adviendra-t-il de notre esprit lorsque nous traverserons le miroir ? Sentirais-je toujours la douleur aussi présente ? Les regrets tourneront-ils toujours autour de mon âme, sans jamais connaître la moindre trêve ?
Pourquoi ne puis-je pas partir loin d’ici, où pourtant rien ne me retient mais tout m’enferme dans de vagues habitudes, dans de faibles certitudes ?
Aujourd’hui j’ai soixante ans. Je suis seul. Et je ressens toujours ce poids de l’absence malgré tous les verres, tous les cafés, tous les faux-semblants…
Si j’en avais la force et le courage, je fuirais. Laisser quelques pièces sur la table en métal, se lever, mettre un pied devant l’autre jusqu’à la première bouche de métro et partir pour l’inconnu. Sans rien. Sans valises ni remords.
Je serais alors comme cet homme là bas… Sans autre appui que celui d’une carte touristique détrempée par la pluie à chercher mon chemin, à marcher dans la ville, à la recherche de beautés oubliées… à la recherche de mon identité.
Si seulement j’osais… si seulement je pouvais quitter cette table bancale…
Lorsque j’ai relevé le nez du plan de la ville, j’ai vu un homme courir vers moi avec un immense sourire qui lui illuminait le visage. J’ai cru entendre un “merci”… décidément il est grand temps que je passe moins de temps à courir les pays étrangers et que je me rapproche de mes semblables sans quoi je vais devenir fou !
Atelier de Leiloona, “Une photo, quelques mots”. Photo de Kot.