A las cinco de la manana…
Sarkozy : butiner, assumer, gauchiser
Les stratégies présidentielles s’esquissent et désormais, après la première salve de Hollande et celle de Sarkozy, on commence à percevoir les philosophies et les tactiques de chaque candidat.
Coté Sarkozy, c’est une stratégie en trois volets.
- Premièrement, le président de la République utilise sa position fortifiée pour attendre les avancées programmatiques de l’adversaire et prélever ce qui lui semble le plus intelligent et le plus vendeur. Cette stratégie de butineur, il l’a appliquée ainsi à l’idée de banque de l’industrie, ce qui permet de désamorcer dans le programme de Hollande l’un des éléments les plus percutants.
- Deuxièmement, Sarkozy choisit de présenter ce que j’appellerai des « solutions d’amont », contrairement à son adversaire. Plutôt que de faire des propositions concrètes taillées sur mesure pour les attentes des électeurs, l’hôte de l’Elysée a dévoilé une batterie de propositions qui sont soit très en amont des problèmes (le meilleur exemple est l’augmentation des COS), voire qui prennent à rebours l’électorat (la TVA sociale). L’idée est probablement de mettre en place « le candidat du courage » vs « le candidat de la démagogie ». L’avantage également est que ces solutions, assez théoriques, sont plus difficilement contestables car tout dépend de leur application.
- Troisièmement, sur la philosophie, il y a clairement une volonté de rééquilibrer le fameux partage de la valeur ajoutée, en réduisant la part octroyée au capital (taxe sur les transactions financières, hausse de la CSG sur les revenus financiers) et en octroyant celle affectée au capital (modulo le débat sur les effets à moyen-terme de la TVA sociale). C’est une position « de gauche », qui montre la victoire économique des idées défendues par Guaino sur celles portées par la place de Paris.
Ce choix d’angle d’attaque est audacieux, car il rompt avec une coutume assez ancrée qui était de flatter les électeurs avant les élections en achetant leurs voix. Sans doute Sarkozy est-il contraint par le fait que son lien avec les Français s’est rompu et qu’il faut le reconstruire en 3 phases : 1. la sincérité. 2. la confiance. 3. la mobilisation. Sarkozy fait le choix de l’impopularité pour prouver son authenticité.
Hollande : crédibiliser, droitiser, concrétiser
En face, les 60 propositions de François Hollande renouent le fil d’une tradition socialiste qui passe par « un chiffre magique » de propositions à la présidentielle, pour marquer les esprits. Néanmoins, le grand souci du candidat est d’apparaître crédible. Il a donc dû dévoiler un vrai programme, étendu, en fixant les grandes lignes de son action. Le sens général du programme est de faire quelque chose de « responsable », c’est à dire de centre-gauche. L’avantage du programme est qu’il n’y a pas de grosses erreurs (on trouve toujours 1 ou 2 idées loufoques dans de tels compendiums) mais qu’il manque de saveur car pas de grande avancée audacieuse (à part la banque, mais on a vu que Sarkozy a désamorcé la chose).
L’approche d’Hollande est plus classique avec des mesures « d’aval » censées répondre aux besoins immédiats : c’est le cas par exemple de l’augmentation de 25% de l’allocation scolaire ou la création de 60 000 postes dans l’Education Nationale. Au coeur de la différenciation stratégique avec l’UMP, il y a l’idée de savoir si l’Etat doit agir directement sur l’économie et le social, ou influencer de manière indirecte en réformant les cadres de l’action collective. Le problème d’une stratégie « d’aval », c’est la question du chiffrage.
Le candidat Hollande a contre-balancé ce programme très social-démocrate en se posant en adversaire de la finance, ou comment gauchir un discours qui ne l’est pas vraiment. C’est aussi une manière de riposter à Sarkozy sur le thème de l’environnement tumultueux qui nécessiterait un capitaine aguerri : comme ni Sarkozy, ni Hollande ne peuvent miser sur leur propre aura actuel ou sur la situation nationale pour se démarquer, ils choisissent finalement de se définir en absolu et non pas en relatif. Ni l’un, ni l’autre ne veut être comparé mais présentent leur meilleur profil face à un adversaire insaisissable. L’avantage de la menace diffuse, c’est que son antidote peut avoir beaucoup de visages.
Sarkozy campe le Père Courage face aux éléments déchaînés ; Hollande clame sa soif de justice face à l’océan de la Finance. Les deux sont sur le même créneau, car la pensée d’un Guaino est finalement assez peu éloignée d’un Montebourg… Bref, les deux candidats font la course au centre. Le clash, à mon avis, finira par se produire sur le point faible de l’argumentaire de la Gauche comme de la défense de la Droite : le maintien ou pas des 35 heures.